André Dussollier ne se contente pas d’une lecture. Avec Pierre-François Limbosch, il crée un spectacle qui tient du livre d’images déroulé sur fond de toiles peintes. Présent sur la scène, un quatuor d’interprètes illustre l’arrière-fond musical du texte
Théâtre
« Nous sommes frères jumeaux et milliardaires et nous nous entendons très bien, c’est rare ». A partir de cette gémellité et de cette réussite fulgurante (issus d’un milieu pauvre, ils sont devenus la dixième fortune de Grande-Bretagne), Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre a écrit un texte tranchant, vif et net, sur le capitalisme. « Discrétion et secret », telle est la devise des deux milliardaires.
Parabole forte et poétique sur l’aveuglement («la vue, ça te retourne un homme ») et la fausseté des apparences, la pièce de Synge (1871-1909), dont on connaît surtout en France Le baladin du monde occidental, est portée par la force de ses personnages archaïques, la beauté de la langue, étrange, magnifique, à couper le souffle. La traduction de Noëlle Renaude en restitue la singularité, les soubresauts, les chaos.
Intellectuel, journaliste au Nouvel Observateur (sous le nom de Michel Bosquet), écrivain, penseur ami de Sartre, André Gorz écrit en 2006 Lettre à D, le récit éblouissant de son amour pour sa femme Doreen, rencontrée en Suisse en 1947. Parce qu’aucun des deux ne veut survivre à l’autre, parce que Doreen souffre depuis des années d’un mal incurable, ils se suicideront. Rien de tragique pour autant dans le spectacle écrit par Geselson, entre réel et fiction.
L’écrivain, prix Nobel de littérature 2015, dit regarder son pays « comme une littéraire et non pas en historienne ». Sur scène, Vera Ermakova, comédienne russe vivant en France, reprend ses mots, dans l’adaptation du roman par Stéphanie Loïk qui a redécoupé cette parole plurielle, délivrée sur scène comme par un seul corps composé de neuf interprètes passeurs d’histoire.
On est en 1948. Pour son ouverture, le Théâtre de la Huchette affiche une comédie musicale, Au diable vauvert. Les répétitions vont commencer. Pierre, metteur en scène, et sa femme Colette essayent de faire entrer le décor sur la scène.
Le conte écrit par Hans Christian Andersen en 1837 est riche en symboliques, à commencer par la différence, l’appréhension de l’autre. Dans son adaptation (en alexandrins libres), Géraldine Martineau met en lumière certaines des thématiques essentielles : Qu’est-on prêt à sacrifier de soi pour être accepté par l’autre ? A l’heure du harcèlement à l’école, la question est importante.
Reines, femmes, sœurs, mères de rois, ex ou futures reines d’Angleterre, elles libèrent leur soif d’ambition, leurs peurs. Un roi agonise, de jeunes enfants vont être assassinés. L’atmosphère est crépusculaire. Dans la salle de la Fabrique, l’espace est envahi par la brume, les murs sont épais comme ceux d’une prison, par les coursives perce l’écho lointain du pas de Richard le sanguinaire.
Grand connaisseur de l’œuvre de Claudel, le directeur du TNP s’attache à faire entendre la prosodie des vers, matière première vivante de la pièce. Dans l’épure de sa mise en scène, la langue claudélienne révèle sa pureté, ses chatoiements, ses flamboyances sauvages. Peu d’effets sur le plateau nu, si ce n’est, d’entrée, une pluie soudaine de sable rouge qui va délimiter le lieu de l’action, une terre sauvage où vont s’exalter les passions soudaines, s’opérer les calculs et les revirements.
Après L’autre fille, Cécile Backès met en scène Mémoire de fille (adapté avec Margaux Eskenazi) fidèlement, en toute sobriété et avec une belle acuité, en parallèle avec la démarche de la romancière qui dissocie les deux femmes. Impudique, cru, le texte est la confrontation de la femme qui écrit le livre (publié en 2016) avec « la fille de 58 ». On suit, comme des images d’un roman-photo, la découverte de son corps par la jeune fille, du désir charnel, d’elle-même, et la traversée des années.