Sa sortie, prévue en mars dernier, a dû être reportée pour cause de fermeture des salles de cinéma, et il aura donc fallu attendre pour voir enfin le film de Jacques Richard consacré à Laurent Terzieff, disparu il y a dix ans. C’est au Lucernaire, lieu intimement lié au comédien qui y a joué tant de textes, qu’on peut découvrir ce portrait riche en images et témoignages.
Théâtre
En théâtre public, certains spectacles trustent les récompenses : Electre des bas-fonds de Simon Abkarian (Molières du théâtre public, de l’auteur francophone vivant, du metteur en scène), joué au Théâtre du Soleil, et le très remarqué La Mouche (Molière de la création visuelle, de la comédienne pour Christine Murillo, du comédien pour Christian Hecq), joué aux Bouffes du Nord. En attendant la reprise de la tournée interrompue…
Une des dernières soirées de carnaval, de Goldoni, mis en scène par Clément Hervieu-Léger, a reçu le Grand Prix Théâtre et deux jeunes metteures en scène sont récompensées : Julie Duclos pour Pelléas et Mélisande (meilleur spectacle créé en province), et Pauline Bureau pour Féminines (meilleure création d’une pièce en langue française). Outside, de Kirill Serebrennikov, présenté au dernier Festival d’Avignon, est le meilleur spectacle étranger de la saison et Rouge, de John Logan mis en scène par Jérémie Lippmann au Théâtre Montparnasse, reçoit le prix Laurent Terzieff, récompensant un spectacle présenté dans un théâtre privé. André Marcon est le meilleur comédien, pour son interprétation de Anne-Marie la Beauté de Yasmina Reza, et Ludmilla Dabo la meilleure comédienne dans Une femme se déplace, de David Lescot. Une mention spéciale est attribuée au spectacle de Johanny Bert, Hen.
le Théâtre de la Huchette, où la pièce se joue sans discontinuer depuis 1957avec La Leçon, autre pièce de Ionesco, raconte cette fantastique aventure, unique dans l’histoire du théâtre. A raison de sept épisodes, tous les vendredis de mai et juin (1)
Chanteuse et musicienne de jazz (elle a collaboré avec le groupe Monkomarok et Lone Kent), Alima Hamel est retournée à Médéa pour retrouver ses sœurs qu’elle n’avait pas revues depuis dix-neuf ans. Pour elle qui chante la mort de sa soeur depuis 1997, le temps était venu d’interroger la mémoire de l’histoire familiale, de l’écrire et de la faire entendre. A travers son récit, elle rend hommage à la disparue, victime de la violence de la guerre civile des années 90. En faisant revivre Médéa, petite ville isolée au milieu des montagnes « chef d’œuvre de la nature » et pourtant berceau de massacres, elle témoigne de cette décennie noire vécue par les Algériens.
Métaphore du chemin, de la liberté et de l’existence, le dernier texte de Peter Handke (traduit par lui-même en français) interroge aussi sur la place de l’individu dans la nature et l’évolution de la société. Au fil des quatre saisons, Moi est confronté au Temps, à l’attente de l’Inconnue, à l’espoir. Dans la majesté du décor de Jacques Gabel –superbe tableau inspiré des toiles de Gerhard Richter- et les lumières de Joël Hourbeigt, l’image de la route s’imprègne fortement.
En mettant en scène le texte originel de Pelléas et Mélisande, écrit en 1892, Julie Duclos traque le silence et sa part essentielle dans la musique de l’écriture, où l’on entend les points de suspension, où la parole résonne en écho, ce qui n’est pas dit restant suspendu. Associant habilement cinéma, vidéo, son et lumières, Julie Duclos plonge dans un univers étrange, intemporel et pourtant qui semble proche.
Jamais traduites en français jusque là, on doit à Nicolas Struve, russophone, de découvrir cette correspondance qui éclaire la création de La Mouette, dont la première représentation, en 1896, fut en échec. Recrée en1898, elle rencontrera le succès au Théâtre d’Art de Moscou. A partir de fragments de la correspondance et d’extraits de La Mouette, Nicolas Struve a construit un spectacle où la vie passe, palpite et tressaille, comme dans le théâtre de Tchekhov. Les lettres sont pleines de vie, spontanées.
Un spectacle autour de la figure de la grande Arletty, le pari peut paraître osé, il est agréablement relevé. Auteurs, metteure en scène et interprètes ont conjugué leurs multiples talents pour passer en revue la vie de la comédienne, disparue en 1992. Elodie Menant, coauteur avec Eric Bu, se coule dans cette personnalité hors du commun sans chercher l’imitation mais en lui imprimant un ton gouailleur. A ses côtés, Céline Espérin, Marc Pistolesi et Cédric Revollon, à la fois comédiens, danseurs et chanteurs, incarnent tous les autres personnages avec une précision remarquable. Ils sont excellents.
Pour sa deuxième collaboration avec la troupe de la Comédie-Française, Arnaud Desplechin a choisi de mettre en scène Angels in America, pièce emblématique de Tony Kushner sur le sida, dans une version scénique réduite. Traduite par Pierre Laville, elle garde sa lourdeur et relève aujourd’hui davantage du document d’époque sur les années sida dans l’Amérique des années Reagan. Beaucoup moins scandaleuse que lors de sa création, elle entremêle l’intime et le politique, le prosaïque et le merveilleux.