Louise Vignaud porte à la scène un livre de Goliarda Sapienza sur son expérience de la prison dans les années 80.
De Goliarda Sapienza, on connaît surtout L’art de la joie, paru en Italie en 1998, et en France en 2005. Née en 1924 dans une famille anarchiste sicilienne, l’Italienne après une carrière de comédienne et d’assistante au cinéma -notamment avec Visconti pour Nuits blanches– avait choisi de se consacrer à l’écriture. Episode moins connu de sa vie, celui où elle est envoyée en prison pour un vol de bijoux. De cette expérience carcérale, elle tirera L’Université de Rebibbia, paru en 2013. Rebibbia est une prison de femmes dans la banlieue de Rome où l’auteure se retrouve enfermée et découvre la promiscuité. Elle doit se plier aux règles, apprendre les codes, cohabiter avec les autres détenues, prostituée, criminelle, droguée, militante politique… Le quotidien s’organise, les affinités émergent, la personnalité de Goliarda apaise les violences, attire et fédère les sympathies. Louise Vignaud, jeune artiste associée au TNP, dont on a pu voir au printemps dernier la mise en scène de Phèdre de Sénèque au Studio-Théâtre de la Comédie Française, a adapté le livre avec Alison Cosson.
Un univers carcéral propre
Un plateau nu, une rangée de lavabos, quelques accessoires et un échafaudage métallique fermé par des bâches, la scénographie suggère l’univers carcéral, souligné par les sons : verrous qui s’enclenchent, pas qui résonnent,… On est dans une représentation de l’enfermement convenable et propre, une vision qui aplanit les duretés du lieu. Louise Vignaud s’attache à Goliarda au pays des recluses, à l’expérience d’une intellectuelle immergée dans un monde étranger, de passage, comme en visite. Prune Beuchat donne à Goliarda une présence terrienne bienveillante, ses quatre partenaires, Magali Bonat, Nine de Montal, Pauline Vaubaillon et Charlotte Villalonga donnent visibilité et crédibilité à leurs différents personnages. Projetés en vidéo sur les bâches, d’autres portraits de femmes (très réussis, signés Rohan Thomas) viennent compléter ce panel de la société italienne de ces années-là. Sapienza voulait « prendre le pouls de notre société, savoir à quel point en sont les choses. La prison a toujours été et sera toujours la fièvre qui révèle la maladie du corps social. » Pas beaucoup de fièvre ici, peu d’aspérités dans la mise en scène habile mais sage, lisse. Directrice du Théâtre des Clochards Célestes, à Lyon, Louise Vignaud y mettra en scène au printemps prochain Agatha de Marguerite Duras.
Rebibbia *
TNP, 8 place Lazare Goujon, 69 627 Villeurbanne. Tél. 04 78 03 30 00. www.tnp-villeurbanne.com Jusqu’au 30 novembre.