Au Théâtre de l’Odéon, le vaudeville de Georges Feydeau mis en scène par Stanislas Nordey
On croyait bien les connaître, ces époux Pinglet et Paillardin, caricaturés à l’extrême par un Georges Feydeau (1862-1921), maître du vaudeville inspiré et auteur de brillantes comédies devenues cultes. Les voici présentés par Stanislas Nordey sous de nouveaux habits. Le premier acte les trouve dans un décor dénudé et froid (Emmanuel Clolus) aux parois recouvertes des indications de l’auteur. C’est dire le sérieux avec lequel le metteur en scène aborde la comédie, dans le respect du texte et de la langue, au service de bourgeois ridicules et mesquins. M. Pinglet considère son voisin Paillardin comme un ami mais n’a guère de scrupules à faire des propositions à l’épouse de celui-ci à la première occasion venue. Le passage à l’acte va être source de situations rocambolesques et improbables. Par une conjugaison de hasards et de coïncidences, les voici qui se retrouvent dans un hôtel pour y passer la nuit. Changement de décor, à la dominante rouge, couleur des fantasmes inassouvis, où les interprètes portent des costumes à plumes ! Le deuxième acte est un feu d’artifice avec ses rebondissements quasi démoniaques qui rebattent les empêchements pour les deux volontaristes de l’adultère.
Le vaudeville pris au sérieux
Tandis que le comique de situations frise le délire, la comédie de l’impuissance est à son comble. Cette vision de Feydeau par Nordey peut déconcerter, et l’on n’y rit pas toujours. Si la mise en scène rigoureuse, voire froide, rehausse l’écriture très précise de Feydeau, le jeu outré de certains interprètes, comme Cyril Bothorel (Pinglet) ou Anaïs Muller (Victoire) peut surprendre. La comédie des personnages prend parfois le pas sur le texte et ce décalage entre sérieux et vaudeville, s’il modifie l’équilibre et le ton de la pièce, donne à voir les personnages sous un autre prisme. La folie ici vire à l’absurde, voire au surréalisme. Le dénouement se déroule sous le regard d’une autruche qui en dit long sur la dérision. Et le mot de la fin revient à la femme de chambre, Victoire, qui sonne comme un avertissement à cette classe de petit bourgeois moqués par Feydeau. Dans les costumes délirants de Raoul Fernandez, les interprètes font la cavalcade (remarquables Hélène Alexandridis en Angélique Pinglet et Claude Duparfait, grimaçant Paillardin), jusqu’à la chorégraphie finale.
L’Hôtel du Libre-Echange * *
Théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, Paris 6e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 13 juin. Tournée : MC 2 Grenoble, 25-26 septembre, Opéra de Montpellier, 2-4 octobre, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône, 9-11 octobre, Les Gémeaux Sceaux, 7-16 novembre, Théâtre de Lorient, 20-21 novembre, Les Célestins, Lyon, 27 novembre-5 décembre, La Criée, Marseille, 17-19 décembre…
(photo Jean-Louis Fernandez)