Daddy

Au Théâtre de la Commune à Aubervilliers, la pièce choc de Marion Siéfert sur les dangers du monde virtuel

La pièce plonge d’entrée dans le monde virtuel : plus de scène, mais un jeu vidéo sur écran grand format. Couleurs acidulées, voix criardes, musique retentissante, dessins grossiers… où nous embarque donc Marion Siéfert, l’auteure avec Matthieu Bareyre, et metteure en scène de Daddy ? A travers ce basculement de l’espace scénique en jeu vidéo, dans l’exploration d’un monde qui lui est cher, celui de l’adolescence et de la violence. Retour abrupt au plateau, au sein d’une famille « ordinaire » où les parents travaillent dur, et où les enfants – trois filles – rêvent d’une autre vie. Pour échapper à ce quotidien, Mara, treize ans, s’évade dans les role plays. Un jour, son avatar en rencontre un autre, qu’elle va retrouver dans la « vraie vie ». A partir de là, le virtuel va achopper sur le réel, et croiser ses dangers, et son enfer. Car l’homme rencontré, Julien, plus âgé que Mara, propose un nouveau jeu qui pourra faire accéder la jeune fille à son rêve : être une artiste. Séduite, trop naïve, Mara accepte ce pacte faustien.

Mélange du réel et du virtuel

Porter à la scène la thématique du virtuel croisée avec celle de la prédation, l’entreprise était hasardeuse et audacieuse. Le texte ne fait pas l’économie de quelques longueurs et de certains moments de connivence un peu faciles, en phase avec l’air du temps (par exemple sur des pratiques sexuelles ou le « forum des parents bienveillants ») mais sur la durée, il atteint son but. La mise en scène, avec ses passages « tuilés » entre réel et virtuel, donne à sentir la perméabilité et la confusion possible, jusque dans le cerveau de la jeune fille. Tout en ruptures, de scènes de vampirisation, de viol, de meurtre, en parties dansées, chantées, rêvées ou fantasmées, les jeux d’identité se troublent. Sur le plateau, parsemé de tas de poudre blanche (le sucre des sugar daddys, la neige ou la drogue…), les vérités sont mises à mal, piétinées par un Daddy prédateur et dévoreur de chair fraîche. Pour Mara, le vrai cauchemar aura une fin. Sa jeune interprète, Lila Houel, quinze ans seulement, impressionne par sa capacité à changer de visage et de tonalité. EIle dégage, à l’instar de ce spectacle inégal et pas totalement maitrisé, une énergie vitale, comme tous ses partenaires : Louis Peres, entre cynisme et fragilité (beau moment fugace sur la valse du Guépard), Emilie Cazenave, Jennifer Gold, Charles-Henri Wolff dans un double rôle, et Lou-Chrétien Février.

Daddy    * *

La Commune, 2 rue Edouard Poisson 93 300 Aubervilliers. Tél. 01 48 33 16 16. www.lacommune-aubervilliers.fr Du 6 au 11 octobre.

(Photo Matthieu Bareyre)