Les Vagues

Elise Vigneron et ses marionnettes de glace dans l’univers de Virginia Woolf

C’est d’abord la vision d’une glacière enfermant des personnages, puis l’irruption d’une boule de glace se balançant dans les airs avant d’exploser sur le plateau. Avec ce début fracassant, Elise Vigneron, artiste marionnettiste, invite à pénétrer dans l’univers des Vagues, le texte poétique et énigmatique de Virginia Woolf (1931). Dans le roman de la singulière écrivaine anglaise, les voix intérieures des personnages déroulent leurs existences au fil des années, se mêlent et se superposent en un chant choral, elles expriment, sur fond de paysage marin et de bruits de vague, un lancinant sentiment de solitude. Et l’idée est subtile de renoncer à l’incarnation des personnages, au nombre de six dans le texte initial et réduit à cinq dans l’adaptation de Marion Stoufflet. L’évanescence, l’éphémère sont ici suggérés par la glace, matériau d’élection de la metteure en scène depuis quelques années. La métaphore du temps que représente la vague est ici doublée par la symbolique de la disparition avec la fonte inexorable de la matière : gouttes d’eau, puis flaques, décomposition…

La perception du temps

Pour Elise Vigneron, Les Vagues est « une pièce-puzzle où le sens naît de la rencontre de différents matériaux (…) qui s’articulent pour  créer une forme organique à vivre à travers une expérience physique ». Comme dans un tableau impressionniste, le spectateur est au contact de la fragilité des éléments. Matérialisés en glace, les personnages translucides ressemblent à ceux de Virginia Woolf : Louis, Bernard, Jinny, Rhoda et Susan avancent sur la scène, manipulés par les comédiens. Par l’interférence entre les comédiens manipulateurs et les marionnettes s’opère un troublant dédoublement et la technique prend le pas sur le récit poétique et les méandres métaphysiques des personnages. La création sonore associée aux lumières achève de plonger le spectacle dans une atmosphère onirique. Le travail technique et scénique est remarquable, de la construction des marionnettes par Arnaud Louski-Pane, à leur fabrication et à leur manipulation par les comédiens : Loïc Carcassès, Thomas Cordeiro, Zoé Lizot, Chloée Sanchez et Azusa Takeuchi, en alternance avec Yumi Osanai. Une réussite esthétique saisissante, et pleinement séduisante.

Les Vagues         * *

La Tempête, Cartoucherie, 75 012 Paris. Tél. 01 43 28 36 36. www.La-tempete.fr Jusqu’au 26 mai. Tournée : Mfest, Amiens, 10 et 11 octobre, Les Salins, Martigues, 8 novembre, La Passerelle, Gap, 15 novembre, Scène 55, Mougins, 19 novembre, Théâtre de Nice, 22 et 23 novembre, Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, 27 et 28 novembre, CDN l’Union, Limoges, 25 au 27 mars 2025.

(photo Damien Bourletsis)