Les Fourberies de Scapin

A la Comédie-Française, reprise de la comédie de Molière mise en scène par Denis Podalydès.

Quand il écrit Les fourberies de Scapin, en 1671, Molière est fatigué. Il a beaucoup écrit, mis en scène trois grandes comédies-ballets pour plaire au Roi et à la cour. Son théâtre du Palais-Royal est en travaux mais la troupe doit jouer. Pour cela, il retourne aux sources du comique, s’inspire des farces et d’un acteur napolitain en vogue et compose alors cette comédie pure. L’intrigue, prestement troussée, met en parallèle deux jeunes gens, Octave et Léandre, qui, en l’absence de leurs pères, se sont épris de jeunes demoiselles. Au retour des pères, craignant leur fureur, ils sollicitent l’aide du valet d’Octave, Scapin. Un diable d’homme, jamais à court d’idées et de stratagèmes pour parvenir à ses fins. Dès qu’il apparaît, surgi d’une trappe tel Polichinelle, la scène est à lui. Il s’en empare comme de tous les personnages, en homme-orchestre et, à l’instar de Molière, en maître du théâtre.

Denis Podalydès réussit là une mise en scène magnifique, dans la lignée de Cyrano de Bergerac, il y a une dizaine d’années. D’une richesse infinie, elle exploite toutes les couleurs de la pièce, ne caricature pas les personnages, les donnant à voir dans toutes leurs contradictions. Au premier rang, Scapin, bien sûr, interprété de manière époustouflante par Benjamin Lavernhe, véritable zébulon. La scénographie d’Eric Ruf joue avec la verticalité et la profondeur de champ : on est dans le port de Naples, au fond d’une cale, on aperçoit des mâts, on entend  le bruit des oiseaux, des voiles se dessinent à l’horizon : la fameuse galère dans laquelle, selon Scapin, le fils de Géronte serait retenu par de méchants Turcs. Et la célèbre réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » est déclinée par Didier Sandre avec une rage et une saveur sans pareilles. Le comédien, arborant une trogne de vieux corsaire, compose un Géronte d’anthologie. Il révèle ici toute une puissance renouvelée et une belle force comique. La scène des coups de bâton prend un tour inattendu. Et les costumes de Christian Lacroix ajoutent encore à la réussite de la soirée.

Les fourberies de Scapin                   * * * *

Comédie-Française, Salle Richelieu, Place Colette, Paris 1er. Tél. 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr En alternance. Du 22 avril au 10 juillet.

(Photo Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française)