Le petit garde rouge

Au Rond-Point, la vision de son enfance à Pékin par le peintre et illustrateur Chen Jiang Hong,

« Le printemps est arrivé. Nous sommes en 1966, dans une grande ville du nord de la Chine. Une petite rue grise. Une odeur de charbon flotte dans l’air. Des fils électriques s’agitent au vent…» Et voici que les fils électriques apparaissent sur un écran, dessinés en direct par l’auteur du texte, Chen Jiang Hong. Dit par Alban Guyon, le récit est à hauteur du regard de l’enfant qu’il a été dans la Chine du début de la révolution culturelle de Mao. Chen se souvient : à 7 ans, il vit avec ses parents, ses grands-parents et ses deux sœurs, dans un immeuble construit dans les années cinquante. Un jour de 1971, un an après son entrée à l’école, il porte un brassard rouge : il est devenu un petit garde rouge du Parti communiste. Son cœur est « empli de fierté ». Cependant, autour de lui, la vie n’est plus la même : son père doit partir, les poules sont exterminées, la faim se fait sentir…

Un documentaire illustré

Pour François Orsoni, qui avait mis en scène les Contes chinois de Chen Jiang Hong en 2008, cette adaptation de son album autobiographique, Mao et moi, relève moins d’un conte que d’un « documentaire illustré ». Les jours d’enfance vécus au présent par Chen, sont illustrés en direct par l’artiste que l’enfant est devenu après son exil et son installation en France en 1987. Pour ce faire, le plateau est divisé en trois parties : derrière un voile, les personnages du passé (et aussi Eléonore Malo, au bruitage), au centre, l’espace scénique occupé par le récitant et deux danseuses représentant les sœurs de Chen (Lili Chen et Namkyung Kim), et enfin une table où officie Chen Jiang Hong dont les dessins à l’encre exécutés à vue sur un rouleau de papier s’affichent et se déroulent simultanément sur un écran. L’occasion pour le spectateur d’admirer le travail de la main de l’artiste. Ainsi le plateau s’offre comme un livre d’images, dégageant une émotion sensible dans la rigoureuse fidélité au passé. Pour l’artiste, c’est un temps figé et retrouvé. Avec une infinie pudeur, sans rien dénoncer, il reste sur sa ligne, celle de la mémoire d’un temps donné.

Le petit garde rouge          * * *

Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 18 juin.

(Photo Giovanni Cittadini Cesi)