La collection

Un quatuor de haut vol est à l’affiche de la pièce de Pinter mise en scène par Ludovic Lagarde. Reprise au Théâtre de l’Atelier

Créée à Londres en 1961, découverte à Paris en 1965, la pièce de Harold Pinter revient régulièrement sur les planches comme un classique du répertoire dans l’art du doute et du non-dit. Enserré dans l’espace scénique des Bouffes du Nord, le décor se partage en deux : d’un côté, l’appartement cossu avec un escalier conduisant à la chambre, de Harry et Bill, de l’autre, celui, au confort moderne de l’époque, de James et Stella. Ambiance sixties de la décoration, de la musique sortie des vinyles, des costumes… On y est. L’intrigue est mince, anecdotique : un mari, James, cherche à connaître la vérité sur une aventure qu’aurait eu Stella, sa femme, lors d’un déplacement professionnel à Leeds. C’est elle qui le lui a avoué. Lui, cherche à rencontrer l’homme en question, Bill. Tout commence quand Harry rentre d’une soirée arrosée, dans l’appartement qu’il partage avec Bill. Il porte un masque africain. Le téléphone sonne… Et déjà, l’inquiétude est là, le soupçon, la peur, comme dans un thriller. Sur fond de jalousie, mensonges et vérités vont s’affronter, les fantasmes s’ouvrir comme des gouffres, les pulsions éclater. Qui porte un masque ? Qu’est-ce que la vérité ? Celle qui est ou celle que l’on veut croire ?

Des acteurs prodigieux

Sur la circulation des rapports de domination, et des désirs, la pièce est passionnante et Ludovic Lagarde dépose des indices sur le jeu de piste dessiné par Pinter. Bill (Micha Lescot, ambigu, lascif) va concentrer les fantasmes et désirs avoués ou inavoués. Mystérieuse, la pièce devient de plus en plus oppressante, troublante. C’est un théâtre de mots, et de silences, où les répliques, lancées comme des flèches, s’échangent, touchent leur cible. La nouvelle traduction d’Olivier Cadiot en laisse entendre une violence moins feutrée, plus directe, et insistante. Pour le reste, tout est affaire d’imagination. Et Lagarde suit Pinter dans ce jeu de billard à plusieurs bandes. Troublant les repères, chacun jouant avec l’autre à tour de rôle, dans l’interprétation magistrale de quatre grands comédiens composant leur personnage avec une acuité exceptionnelle : Mathieu Amalric et Micha Lescot, Laurent Poitrenaux et Valérie Dashwood. Du grand art de la comédie.

La collection                   * * *

Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles-Dullin, Paris 18e. Tél. 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com Du 30 mai au 25 juin.

(photo Gwendal Le Flem)