Jérôme Kircher fait résonner les Souvenirs d’un Européen de Stefan Zweig, adaptés par Laurent Seksik.
Le 22 février 1942, réfugié au Brésil, Stefan Zweig se donne la mort, avec sa femme, dans une chambre d’hôtel de Petropolis. La veille, il avait expédié à son éditeur Le monde d’hier, Souvenirs d’un Européen. Dans ce livre-testament, l’écrivain autrichien, « né en 1881 dans un grand et puissant empire, celui des Habsbourg…, effacé de la carte », retrace sa vie, sa jeunesse, ses voyages, le paradis perdu… Il évoque le foisonnement culturel de la Mitteleuropa, l’esprit viennois qui régnait sur l’Europe alors à son apogée (« Nulle part il n’était plus facile d’être un Européen »), son activité littéraire, ses amis célèbres : Schnitzler, Rilke, Freud. Vendus à des milliers d’exemplaires, ses livres (Amok, Lettre d’une inconnue, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme,…) seront bientôt interdits et son oeuvre réduite en cendres dans le pays où elle avait connu le succès.
Le paradis perdu de l’Europe
Avec pertinence et une clairvoyance aiguë, Zweig analyse la défaite de l’idéal européen, après la guerre de 1914, la montée du nazisme, l’horreur qui se profile et s’installe. En 1934, il quitte l’Autriche pour Londres. «Depuis longtemps, je n’ai plus de patrie ». « Je suis un homme qui marche, vivant, derrière son propre cadavre. » Après avoir écrit Les derniers jours de Stefan Zweig, Laurent Seksik a adapté Le Monde d’hier pour la scène en un découpage qui en extrait les moments forts. Dans une interprétation sobre, tendue et fine, Jérôme Kircher dit l’émotion de Zweig, laisse entendre dans les légers tremblements de sa voix le désenchantement, l’inquiétude, la peur des noirs lendemains. Dans une résonance palpable avec le monde d’aujourd’hui.
Le monde d’hier * *
Théâtre 71, 3 place du 11 novembre, 92 240 Malakoff. Tél. 01 55 48 91 00. www.theatre71.com Du 20 au 23 novembre.