Contes et légendes

La dernière création de Joël Pommerat joue avec les identités en mettant en scène des adolescents et des robots. Reprise au Théâtre de la Porte Saint-Martin

Après Ca ira (1) Fin de Louis, Joël Pommerat délaisse le passé et revient à une forme de théâtre plus intime pour s’attacher à la question de l’identité. Comment se construit-elle lorsqu’on est adolescent ? Quelle serait la part du robot en nous ? Nonobstant leur titre, ces Contes et légendes ne renouent pas avec l’univers des contes (Le petit Chaperon rouge, Pinocchio, Cendrillon) précédemment mis en scène, mais s’attachent au monde de l’adolescence et à la tentation de l’artificiel. En courts récits, Pommerat explore les questions de l’éducation, de la relation à l’adulte, des règles sociales, jusqu’à celle de la robotisation. Ainsi, pour commencer, deux garçons s’interrogent sur la réalité d’une fille : est-elle un robot ? Lequel, dans leur peur de la « tester », semble les intimider davantage qu’une vraie femme. Echanges nerveux, violents, langage cru de la jeunesse actuelle, on est dans une certaine réalité. Dans une forme simple, vont s’enchaîner ensuite des séquences brèves, sèches, où s’insinue, et finit par s’installer la présence de robots humanoïdes comme des compagnons de vie.

Troublants vertiges

Le regard acéré de Joël Pommerat scrute les dérives, les dangers d’une intelligence artificielle qui guettent notre société. Auscultant d’entrée la question du genre, il fait interpréter tous ces adolescents et ces robots par des comédiennes inconnues, âgées de 26 à 32 ans mais qui en paraissent 15 : comment est-on un garçon ? la virilité est-elle innée ? comment se construit-elle ? Jusqu’à montrer dans une scène un coach indiquant à de jeunes garçons comment se comporter en hommes ! Comme pour les robots, il y aurait une programmation à l’origine de chaque individu. Mais, reproduction de l’humain, le robot, même socialisé, reste un artifice. Très troublantes sont les scènes où la présence de robots côtoie celle de personnages réels. Où la compagnie d’un robot est plus réconfortante que celle d’un humain. Où une mère demande à un robot de le remplacer quand elle aura disparu. Où l’on doit lui ôter sa mémoire pour lui donner une nouvelle identité. L’humain va-t-il, pourrait-il devenir un androïde ? De la nature à l’artifice, la frontière est ténue. C’est troublant, dérangeant, passionnant, et formidablement interprété et mis en scène.

Contes et légendes                  * * *

Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18, bd Saint-Martin, Paris 10e. Tél. 01 42 08 00 32. www.portestmartin.com Du 10 janvier au 31 mars. 

(Photo Elizabeth Carecchio)