Cabaret de l’exil

Dans son troisième volet du Cabaret de l’exil, Zingaro met à l’honneur les Femmes persanes

Après la culture yiddish puis le peuple irlandais, le nouveau Cabaret de l’exil de Bartabas rend hommage aux femmes persanes, dans un spectacle résolument féministe. La piste, comme la salle, est plongée dans le noir, et ceinturée par les lueurs des lanternes. Quand la lumière se fait, on découvre alors qu’une eau colorée de rouge a remplacé le sable de la piste. Au centre, une chaise d’enfant, vide. Sur un fil, en hauteur, un homme à tête d’âne fait un numéro d’équilibre tandis qu’une petite fille vient prendre place sur le siège. La force de cette première image annonce l’engagement du spectacle. Honneur aux femmes donc, aux Afghanes et Iraniennes d’aujourd’hui. Le quatuor de musiciennes et les percussions créent l’ambiance, rappellent le temps où les poétesses chantaient à visage découvert, où le talent des maîtres de musique  se louait au féminin. « Me voici Je suis moi Je suis femme Je suis monde Et sur mes lèvres passe Le chant de l’aube blanche ». La poésie est le fil conducteur de cette ode à la résistance des femmes opprimées et au souvenir de la tradition de la civilisation scythe fondée sur le matriarcat. Chez ce peuple nomade, le cheval était à l’origine de l’égalité entre les genres. Ce temps est bien loin.

Artistes en exil

En costumes traditionnels aux tissus ornés de pierreries, les cavalières exaltent le combat et la résistance des femmes. Allure altière, debout sur leur monture, elles enchaînent acrobaties et chevauchées, exécutent sauts et cascades. Et quand elles portent un long voile, c’est avant de le défaire volontairement et le transformer en liane pour mieux s’envoler et se libérer. Les séquences se succèdent, les cavalières laissant la place à d’autres artistes : une danseuse soufie tournant sur un minuscule plateau, deux femmes un peu rondes se défiant avec des torches et aussi une danseuse capillotractée dans un étourdissant numéro. D’autres images s’infiltrent, celle d’une caravane de déménagement vers l’exil, d’une exhibition de paons, ou encore des oies s’ébattant… Et des hommes ? Bartabas en fait défiler, barbus, affublés de casaques portant un numéro, montés sur un âne ou une mule, ridicules et pitoyables petits mollahs. C’est drôle, émouvant, doux et rude, vivant. Bravo à ces merveilleuses artistes en exil dont on n’est pas près d’oublier les bras tendus fendant l’air, poing serré vers le ciel. Beauté d’un combat.

Cabaret de l’exil                                      * * *

Théâtre équestre Zingaro, 176 avenue Jean-Jaurès, 93 300 Aubervilliers. Tél. 01 48 39 54 17. www.zingaro.fr Jusqu’au 31 décembre. Puis du 12 janvier au 31mars 2024.

(photo Hugo Marty)