A la Reine Blanche, un texte en deux parties de Vincent Farasse remarquablement interprété
Un homme, journal à la main, vient s’asseoir sur un banc, se met à parler. De son travail, dans la même entreprise depuis trente-et-un ans, qui soudain a changé. Transféré dans un autre service, où il n’est pas compétent, l’homme est soumis à des évaluations répétées. Mis au placard, on devine rapidement le renvoi prochain, l’éviction définitive. Mais lui se dit que « le monde est mouvement, et on ne peut pas survivre si on ne suit pas le mouvement ». Extraordinaire personnage, comme innocent, vierge de tout ressentiment, imperméable à la violence du monde du travail, persuadé d’avoir contribué à sauver l’entreprise et de lui avoir permis de trouver un nouvel essor. «Parfois, il faut avoir le courage de disparaître ». Redjep Mitrovitsa, de toute sa personne charismatique, et de son jeu ineffable, fait ultra sensiblement sentir cet effacement. Comme les zones obscures, les bizarreries du personnage. La voix douce, onctueuse et persuasive donne un supplément d’étrangeté aux événements extraordinaires qui surviennent dans son quotidien. Le grand comédien, un poète de la scène, traverse l’écriture de Farasse avec calme et assurance.
L’épanouissement personnel
Dans un deuxième temps, place à Eve Gollac, en peignoir de bain, pour un autre monologue. Où il est question d’épanouissement personnel alors que le personnage semble être en mal d’identité. Au sein d’une résidence déshumanisée (une maison de retraite ?) mais dotée d’une piscine, elle paraît vivre dans un monde virtuel. Le passage d’un texte à l’autre peut déconcerter, mais l’auteur dit avoir voulu travailler sur les nouvelles formes de violence et le retournement du langage. On les entend. S’ils sont traités avec un humour sous-jacent et corrosif, les deux textes expriment malgré tout, derrière l’absurde des situations, la violence de la société. L’écriture claire, le style parfaitement maitrisé, de Vincent Farasse laissent transparaitre le fantastique, les angoisses d’un futur inquiétant. Un auteur à suivre absolument.
Un incident * *
Théâtre La Reine Blanche, 2 bis, passage Ruelle, Paris 18e. Tél. 01 40 05 06 96. www.reineblanche.com Jusqu’au 17 décembre.
(Photo Nathalie Perrier)