A La Scala Paris, reprise du spectacle de Christine Murillo mis en scène par Charles Tordjman
Christine Murillo arrive sur la scène tenant un petit carton et un sac qu’elle ouvre, déballant sur la table une cafetière, un cahier, une clochette… La voilà qui est « la Carton », celle de Sous les palétuviers, entre autres multiples chansons, spectacles, pièces et films. Tout un univers : de l’humour à revendre, d’abord sur elle-même, de l’esprit, de la liberté de ton. Authentique. Même si son visage « a toujours été apparenté à celui du pou », il ne l’a pas empêché de faire une riche et longue carrière, souvent confinée, certes, aux personnages de bonnes, ou de concierges, mais elle a marqué son époque. Impossible de l’oublier. Figure familière des films de Guitry, Pauline Carton (1884-1974) avait une personnalité que ne laissaient pas transparaître ses rôles secondaires. Ainsi, abonnée au personnel de service, elle vivait à l’hôtel pour ne pas avoir à faire de cuisine ni de ménage. Dégagée de ces tâches subalternes, elle a pu écrire ses Mémoires, Les théâtres de Carton, un ouvrage riche en anecdotes sur la vie théâtrale et l’humeur de l’époque.
Une personnalité unique
Avec son franc-parler, sa gouaille naturelle, elle y dresse des portraits irrésistibles, évoque sa vocation, ses débuts sur les planches, sa première réplique au cinéma : « Y’a pas de taxi, c’est le 1er mai ! » Dix syllabes : le bonheur. Et aussi sa rencontre avec Sacha Guitry, son admiration sans bornes pour le maître, et sa relation amoureuse avec le poète genevois Jean Violette. Adapté des écrits de la comédienne par Virginie Berling, Christine Murillo et Charles Tordjman, le spectacle est mis en scène par ce dernier, et totalement habité par son interprète. La grande Christine Murillo, elle-même inoubliable servante des comédies de Molière à la Comédie-Française où elle fut sociétaire jusqu’en 1988, redonne vie à son ancêtre avec un humour gourmand et une vitalité magnifique. Des chansons savoureuses, des imitations malicieuses (Michel Simon, Jean Marais, Elvire Popesco, Cocteau, Jean Nohain…), Murillo, mines friandes, regard rieur, étincelle, redonne vie à Pauline Carton, joue, à sa suite, l’impérieuse nécessité et le bonheur d’être sur scène et, pour le public, de l’applaudir. Une pure joie théâtrale.
Pauline & Carton * * *
La Scala, 11 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 41 30. www.lascala-paris.fr Jusqu’au 25 novembre.
(photo Thomas O’Brien)