Aux Bouffes du Nord, Denis Podalydès met en scène la pièce d’Ostrovski adaptée par Laurent Mauvignier avec une distribution remarquable
Beaucoup moins connu, et joué, en France que Tchekhov, Alexandre Ostrovski est considéré comme le fondateur du théâtre russe. En France, Bernard Sobel a présenté Cœur ardent, Innocents coupables et aussi Don, mécènes et adorateurs et Piotr Fomenko Loups et brebis avec ses acteurs russes et La Forêt, à la Comédie-Française avec… Denis Podalydès. Celui-ci s’en souvient dans sa mise en scène de L’orage. La pièce date de 1859, et se déroule dans une petite ville de province, sur les bords de la Volga. L’auteur, qui avait beaucoup fréquenté les tribunaux de commerce, au contact des marchands, y expose un tableau humain assez noir, et inerte. Seul le personnage de Kouliguine (magnifique Philippe Duclos), philosophe qui sait voir la beauté des choses et des paysages, apporte des moments de grâce dans une petite société où règne la violence des rapports. Car les esprits sont mesquins, et les personnages veules, âpres, sans grandes aspirations. Dans cette variété de personnages qui donne à la pièce sa vitalité, il y a une veuve terrible qui fait régner la terreur dans sa maison, au risque de conduire sa belle-fille vers des extrêmes. Justement, son mari doit s’absenter pour un voyage, et « Dieu seul sait ce qui peut se passer dans la tête des femmes emmurées. »
Des chants mélancoliques
Cette humanité sans espoir – « ce pauvre peuple qui ne voit qu’avec les yeux de la peur » selon Kouliguine- est replacée par Podalydès dans les années 1990. Peu importe. C’est en accord avec l’adaptation du texte par Laurent Mauvignier. La scénographie, signée Eric Ruf, occupée en grande partie par une majestueuse photo panoramique de la Volga (signée du paysagiste Thibault Cuisset), découpe et redistribue habilement les lieux. Le travail du son est équilibré et subtil, avec des chants mélancoliques parfaitement interprétés par tous. Quant à l’orage annoncé, il arrive, restitué et maîtrisé par Bernard Vallery. Parmi la distribution, Thibault Vinçon est un Kabanov lâche et ivrogne à souhait, Dominique Parent un Dikoï avare et violent, Francis Leplay et Geert van Herwijnen sont très justes. Mais les comédiennes sont les plus remarquables : Leslie Menu, espiègle, Nada Strancar, à l’autorité sans pareil, Cécile Brune, avec sa formidable vitalité, et Mélodie Richard, magnifique dans tous les registres, les moindres intonations.
L’Orage * *
Théâtre des Bouffes du Nord, 17 bis, bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Jusqu’au 29 janvier. Théâtre des Célestins, Lyon, du 8 au 18 mars, Maison de la culture de Nevers, 24 mars, Scène nationale d’Albi, 28 et 29 mars, Le Parvis, Tarbes, 2 et 3 avril, Théâtre de Caen, 6 et 7 avril, Théâtre Saint-Louis, Pau, 25 et 26 avril.
(Photo Jean-Louis Fernandez)