Le second volet du diptyque Notre Odyssée de Christiane Jatahy croise l’épopée d’Homère et les migrations actuelles
Son premier volet, Ithaque, présenté aux ateliers Berthier en mars 2018, avait passablement déçu. Vu au dernier Festival d’Avignon, Le présent qui déborde, O agora que demora, second volet du diptyque Notre Odyssée de Christiane Jatahy a tout pour séduire. La metteure en scène brésilienne est présente sur scène pour faire part de ses intentions. Construit à partir des chants d’Homère, le scénario montre une course de relais, où le passage de témoin court de pays en pays. Christiane Jatahy a rencontré des personnes vivant une odyssée quotidienne : acteurs en exil, réfugiés dans des pays tels que la Palestine, le Liban, la Grèce, l’Afrique du Sud. Ils témoignent de leurs vies d’exil qui résonnent avec les péripéties vécues par Ulysse : « Je m’appelle Odysseus ». Dans chaque pays, trois acteurs ont été filmés, deux Ulysse et une Pénélope. Fiction et travail documentaire s’entremêlent. On est à Jénine, et encore dans d’autres camps de réfugiés. Pour ces réfugiés, le présent est là, et il déborde.
La tragédie de l’Amazonie
Dans ce deuxième acte de Notre Odyssée, le cinéma a pris l’ascendant et est devenu la matière première du projet. L’écran occupe une place imposante, les images montrent des camps de réfugiés, les acteurs lisant des passages de L’Odyssée. Assis autour d’une table, ils racontent le combat avec le Cyclope, la rencontre de Circé,… En interconnexion avec l’image, certains des comédiens présents dans la salle se lèvent, prennent la parole, dialoguent avec l’image, interpellent les spectateurs. Dans la dernière partie du spectacle, direction l’Amazonie, où le grand-père de Christiane Jatahy a trouvé la mort dans un accident d’avion. Son histoire personnelle croise alors le périple d’Ulysse, l’occasion aussi de donner la parole aux Indiens kayapo d’Amazonie, d’alerter sur la menace écologique et la situation du Brésil. Et l’on apprend alors à imiter le bruit de la pluie qui tombe sur l’eau du fleuve. Cette nouvelle forme théâtrale fait mouche tant le sujet est fédérateur. Cinéma et théâtre, même réduit à son minimum, se relaient, s’associent. S’y ajoute la musique, pour assurer l’ambiance, et le public de participer. Le propos est sincère, engagé, généreux et si la démarche n’évite pas la bien-pensance ni la démagogie, elle n’est jamais ennuyeuse. Et l’émotion est là.
(Spectacle vu au dernier Festival d’Avignon)
Le présent qui déborde, Notre Odyssée II * *
Centquatre, 5 rue Curial, Paris 19e. Tél. 01 53 35 50 00. www.104.fr Spectacle multilingue surtitré en français et en anglais. Jusqu’au 17 novembre.
(photo Christophe Raynaud de Lage)