Au Théâtre de l’Athénée, Dominique Blanc reprend le texte de Marguerite Duras mis en scène par Patrice Chéreau et Thierry Thieu Niang
C’était en 2008, en décembre. Sur la scène du Théâtre des Amandiers, à Nanterre, Dominique Blanc créait La Douleur, de Marguerite Duras, sur l’attente et le retour de son mari, Robert Antelme, en avril 1945, prisonnier dans un camp en Allemagne. Ce texte, tiré du journal retrouvé dans des cahiers restés dans une armoire de sa maison, l’écrivain ne se souvenait pas l’avoir écrit, et pourtant, c’était bien son écriture. Quand l’aurait-elle tenu ? Elle avait oublié, et pourtant « La Douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. » En 2008, donc, Patrice Chéreau, avec Thierry Thieu Niang, adapte le texte, interprété par Dominique Blanc. Pour la comédienne, il est impossible de l’abandonner. Patrice Chéreau disparu en 2013, c’est sous le regard de Thierry Thieu Niang que la sociétaire de la Comédie Française reprend ce texte, majeur pour elle… Lorsque le public prend place, elle est installée sur scène, tournant le dos à la salle. Sur le plateau, une table, des chaises. Dès que la lumière s’éteint, elle s’enfonce dans le récit. Avril 1945. Les déportés commencent à rentrer. Marguerite Duras, convaincu que son mari, Robert L., va revenir, attend, espère.
L’humanité crue
Chaque jour, croiser le regard de la concierge, qui attend elle aussi le retour de son époux, aller au centre d’accueil des déportés, à la gare d’Orsay, au Lutetia, espérer, croire, imaginer, attendre et attendre encore. Elle voit le visage de Robert dans un fossé, il est là, elle le voit. D’une voix sûre, la comédienne dit la banalité du quotidien, la répétition des déplacements, l’ordinaire de la vie. Le corps, lui, accomplit les gestes d’une femme terrienne, dans sa cuisine, et qui, au retour de son mari, entamera le travail de reconstruction. Car il reviendra, méconnaissable, au bord de la mort. Les mots sont directs, reçus en plein coeur. Ils disent la folle inquiétude et aussi l’espoir, l’horreur, et l’humanité crue. Dominique Blanc est exceptionnelle, qui donne toute sa puissance au texte, comme à l’absence, et l’attente, et livre un témoignage universel et intemporel. Depuis la création en 2008, les mots ont gagné en profondeur, en densité, ils pèsent de tout leur poids, comme si la comédienne les avait fait siens. Poignant héritage de Patrice Chéreau dont l’ombre habite le plateau. Son interprète est bouleversante, et unique.
La douleur * * * *
Théâtre de l’Athénée, 2-4 square de l’Opéra Louis-Jouvet, Paris 9e. Tél. 01 53 05 19 19. www.athenee-theatre.com Jusqu’au 11 décembre. Tournée : Théâtre des Bernardines, Marseille, du 13 au 18 décembre, Maison des Arts, Thonon-les-Bains, 23 mai, Le Mail, Soissons, 25 mai, La Coursive, La Rochelle, 30-31 mai, Théâtre National de Nice, 2-3 juin, MC2 Grenoble, 6-8 juin, Festival d’Anjou, Angers, 13 juin.
(Photo Simon Gosselin)