Irish Travellers

La dernière création de Bartabas emporte vers la terre irlandaise au son de ballades ancestrales

Dans ce deuxième volet du Cabaret de l’exil, après celui consacré à la culture yiddish, Bartabas découvre l’univers des Irish travellers, nomades d’origine irlandaise « exilés dans leur propre pays ». Un peuple voyageur aux origines anciennes, à l’identité fondée sur l’amour du cheval et une culture musicale de tradition orale. Une communauté méconnue, aujourd’hui sédentarisée, mais marginalisée, discriminée, à laquelle le maitre des lieux rend hommage. Arriver au Théâtre Zingaro, c’est toujours entrer dans un univers hors du temps, accueillant, pénétrer dans une terre d’aventures : bar chaleureux, guirlandes multicolores, passage au-dessus des boxes des chevaux, salle en bois éclairée de lumignons… La piste est occupée par des dindons et un maréchal-ferrant activant son soufflet de forge. Ils vont bientôt laisser la place à un défilé d’images comme on feuilletterait un album de photos de famille pour dire l’identité d’un peuple. Une petite fille donne une première clé : « Quand ma mère est morte, ils ont brûlé la roulotte… » Des roulottes, des carrioles, il y en aura tout au long, tirées par des chevaux bien sûr. Car entre l’homme et le cheval, l’entente est vitale chez les Irish travellers. Les mots sont rares, l’oralité passe par la musique, la chanson. Le chanteur et conteur Thomas McCarthy, mémoire vivante de cette communauté, a collecté auprès de sa mère plus de 1 200 chansons afin qu’elles ne tombent pas dans l’oubli. Assis sur une chaise, sur une petite scène, il chante a cappella, assure la transmission. L’émotion est là, traverse le temps.

Un poète d’images

La mise en scène de Bartabas redonne à la tribu nomade des couleurs d’images d’Epinal, animées, tristes ou gaies. Tout au long de ce spectacle à l’ambiance secrète, à la tonalité joyeuse et mélancolique, que de beautés captées, de moments de vie entrevus dans ces tableaux, entre courses vives, sauts et voltiges. Instants drôles, graves, poétiques, la vie passe au travers de scènes soigneusement composées : corbillard garni de chandelles, jeune mariée naine sur son petit cheval au côté de son futur époux (âgé, selon la coutume) posté sur un âne, cavalier à tête de bouc, rassemblement d’un troupeau de moutons au son d’une clochette, danseur sur son tonneau ou douche ambulante,… les images se succèdent. Et encore cette procession de roulottes miniatures, ce cheval blanc se roulant dans une épaisse couche de brouillard tandis que des échassiers apparaissent, jusqu’à ce surprenant défilé de voitures à cheval, la beauté et l’esprit occupent la piste sans répit. Beauté des chevaux (une vingtaine) aux robes soyeuses (Conquête, Tsar, Zurbaran, Oberon,…), des costumes des écuyères et des cavaliers, des masques (par Cécile Kretschmar), des entrées et sorties, dans un lieu habité par l’esprit. Artistes, cavaliers, danseur, voltigeur, musiciens (violon, accordéon, piano, cornemuse, bodhran), chevaux, plus la mule et l’âne, tous sans exception sont assemblés au service d’un imaginaire intime et puissant, d’une aventure à la beauté prenante, sous le regard de Bartabas, véritable poète des images.

Irish Travellers * * * *

Théâtre équestre Zingaro, 176 avenue Jean Jaurès, 93 300 Aubervilliers, tél. 01 48 39 54 17. www.zingaro.fr Jusqu’au 31 décembre.

(Photo Hugo Marty)