Invisibles

Des vieux travailleurs immigrés sont les dignes héros de la pièce de Nasser Djemaï

Une table, des chaises en formica. « Dominos ! » L’appel est donné pour une partie, passe-temps de ces vieux travailleurs immigrés dans le foyer qui leur sert de logement, le même depuis leur arrivée en France. Au lointain, des airs timides de musique arabe. Parvenus à l’âge de la retraite, ces « chibanis » (vieux, en arabe) sont restés là, perdus dans le maquis administratif des papiers, dignes mais « invisibles », « chacun tout seul, chacun dans sa chambre ». Ils n’ont pas d’autre « chez eux », plus de lien avec leur famille, leurs enfants. Arrive un jeune homme à la recherche de son père…

Les liens de la fraternité

De nombreux témoignages ont nourri la pièce de Nasser Ndjemaï, qui ne prétend pas faire du théâtre documentaire. Tout transpire pourtant l’authenticité, et les interprètes restituent ça et là la maladresse de ceux qui  s’excusent de leur présence. Pudeur et distance s’inscrivent en creux du texte, qui donne à entendre la voix de ces travailleurs qui ont laissé un pays, une famille et qui ont pour seuls liens, les plus solides peut-être, ceux de la fraternité et de la solidarité. Rien d’appuyé, de « culpabilisant », juste à la manière d’un rideau qui s’ouvre sur une réalité occultée. Le ton est toujours juste, comme les interprètes, la mise en scène sobre, à l’image de ces « chibanis » rendus enfin visibles.

Invisibles       * * *

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(lejdd.fr 19 juin 2017)