Au Théâtre de l’Atelier, Jean-Louis Benoit signe une mise en scène enlevée du classique de Sartre
Une porte s’ouvre : « Alors voilà », dit l’homme, conduit par un garçon d’étage. Dans la chambre, des housses en plastique recouvrent trois canapés. Une chambre d’hôtel ? Non, l’homme est entré en enfer. Aucun bourreau pourtant ne l’attend. La porte se referme. Plus tard, une femme le rejoindra. Présentations. Puis, une autre encore. La chambre est au complet, les trois canapés occupés. Ils sont enfermés, impossible d’appeler, d’éteindre la lumière, les voici morts, « les yeux ouverts pour toujours ». Faut-il donc être un trio pour connaître l’enfer ? Avec sa célèbre réplique « l’enfer, c’est les autres », la pièce de Sartre, écrite en 1943 et créée en 1944 est devenue, au fil des années, un classique à l’appui des concepts existentialistes du philosophe : « peut-on juger une vie sur un seul acte ? » ou encore « on est ce qu’on veut ». Pour Sartre, l’enfer n’est pas à proprement parler « les autres » (titre de la première version de la pièce) mais le regard qu’ils portent sur nous et avec lequel il faut vivre.
Qui sont les bourreaux ?
« Les autres sont au fond ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance… Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. » Pour être libre, force donc est de s’affranchir du jugement des autres, dit le philosophe. Rien de démonstratif et encore moins de didactique dans la mise en scène de Jean-Louis Benoit qui, tout en respectant le texte à la lettre, l’aborde comme dégagé de toute pesanteur intellectuelle. Les personnages se présentent comme ceux d’une comédie contemporaine réaliste et pugnace. Sous-tendue par la pensée sartrienne, on y retrouve les grands thèmes comme la lâcheté, la responsabilité, la lucidité, mais enlevée, dynamisée par un rythme vif, une interprétation nerveuse, portée par des comédiens au diapason : Marianne Basler, Inès à la belle assurance, puissante, blessée, complexe, Maxime d’Aboville, Garcin, le salaud cynique et lâche, héros sartrien par excellence, et enfin Mathilde Charbonneaux, la mondaine et coquette Estelle, étonnante. Une comédie, donc, qui divertit et donne à réfléchir, c’est si rare.
Huis clos * * *
Théâtre de l’Atelier, place Charles-Dullin, Paris 18e. Tél. 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com Jusqu’au 18 mars.