House

A la Colline, Amos Gitaï adapte sa trilogie documentaire à la scène et raconte l’histoire de son pays à travers celle d’une maison

Sur le plateau, un impressionnant chantier en construction. A l’avant, deux ouvriers s’affairant à la taille de pierres pour monter un mur. Le chantier est ouvert, bientôt traversé par des visiteurs, architecte de la future villa ou anciens occupants des lieux détruits… House, c’est l’histoire d’une maison, filmée par le cinéaste israélien Amos Gitai, à trois reprises, en 1980, 1997 et 2005, trilogie reprise ici par le metteur en scène de théâtre qu’il est également. En prologue, des images de Jeanne Moreau lisant une lettre adressée par sa mère à Gitaï avec ces mots prémonitoires : « Qu’adviendra-t-il de vous, les jeunes, qui vivez le rêve perdu ? » Et qu’advient-il des lieux qu’ils ont habités ? La question taraude obstinément Gitai qui associe la mémoire des lieux à l’histoire de son pays, Israël. Ainsi cette maison de Jérusalem Ouest, que ses habitants, une famille arabe, ont dû quitter en 1948 lors de la création de l’Etat d’Israël, à la suite de la « loi sur la propriété des absents » qui a autorisé la confiscation par l’Etat des propriétés des Palestiniens. Des habitations ont été attribuées à des colons, d’autres ont été détruites. « Nous construisons cette maison sur les ruines d’une maison arabe», constatent amèrement les tailleurs de pierre palestiniens.

« L’histoire s’est faite comme ça »

Dans la scénographie de Amos Gitai, architecte de formation, la maison n’est pas représentée, pas même ébauchée. Elle demeure à l’état de ruine fantasmagorique, ou de chantier en devenir. Elle est la métaphore, le symbole de l’histoire, de la géographie et de la situation politique du pays. Les vastes tubulures métalliques encadrent les apparitions de personnages fantomatiques : anciens habitants, nouveaux occupants, enfant de survivant de la Shoah… Ils s’expriment dans leur langue originelle, hébreu, arabe, français, yiddish, anglais, les origines sont omniprésentes. Amos Gitai laisse s’exprimer toutes les sensibilités, le temps est comme confit dans la mélancolie. Chanteurs et musiciens (Kioomars Musayyebi au santour, instrument méditerranéen de la famille des cithares, Alexey Kochetkov au violon) accompagnent cette valse des ombres orchestrée par Gitai et ses comédiens (Bahira Ablassi, Micha Lescot, Menashe Noy, Irène Jacob,…).

House      * * *

La Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris 20e. Tél. 01 44 62 52 52. www.colline.fr Jusqu’au 13 avril.

Spectacle en anglais, arabe, français, hébreu, yiddish surtitre en anglais et français.

Projection de la trilogie House au Centre Pompidou les 25, 26 et 27 mars et au MK2 Beaubourg le 1er avril.

(Photo Simon Gosselin)