Au Rond-Point, Marc Paquien met en scène une pièce de Caryl Churchill interprétée par un quatuor exceptionnel
L’auteure est peu connue en France mais outre Manche, Caryl Churchill, 81 ans, est une figure majeure de la scène britannique. Dramaturge engagée et militante, son théâtre explore les thèmes politiques actuels, comme dans Escaped alone, titre original de la pièce traduite par Elisabeth Angel-Perez et mise en scène par Marc Paquien. « Je marche dans la rue et il y a une porte entrouverte dans la palissade et derrière, trois femmes que j’ai déjà vues »… Invitée à pénétrer dans le jardin, Mrs Jarrett rejoint le trio de voisines. C’est l’heure du thé, des bavardages, des banalités échangées, des souvenirs et des élucubrations entre dames d’un certain âge. Mais par instants, Mrs Jarrett s’extrait du groupe et s’avance sur le devant de la scène pour y délivrer des visions d’apocalypse. Témoin d’une catastrophe déjà advenue (ou visionnaire d’un cauchemar futur), elle énonce les ravages d’un hyper capitalisme, les incendies, l’eau manquante, et même des animaux qui tombent du ciel.
Quatre comédiennes rares
Le décalage détonant entre la conversation anecdotique des trois voisines et la parole de cette Cassandre des temps modernes constitue la matière théâtrale du texte de Caryl Churchill, bref mais consistant, incisif, empreint d’une ironie acerbe, fine et déflagrante. La langue est précise, réaliste, l’écriture mêle les temps, du présent du tea time à la catastrophe passée ou l’apocalypse à venir. Pour tout décor, Emmanuel Clolus dessine un jardin en fond de scène et sur le plateau, où sont installées les chaises des quatre femmes. Rien de surligné dans la mise en scène sobre et précise de Marc Paquien qui fait entendre cette « comédie de fin du monde » dans toute son étrangeté et sa vigueur. L’humour est là, l’insolite, et aussi l’inquiétude. Les comédiennes réunies portent leur personnage avec force et sensibilité, leur apportent leur densité d’humanité, laissant entrevoir sous les paroles toute une vie vécue, comme lorsqu’elles entonnent un air connu de leur jeunesse. Le quatuor est exceptionnel : Charlotte Clamens, Danièle Lebrun (de la Comédie-Française), Geneviève Mnich, et Dominique Valadié, quatre comédiennes rares à applaudir sans réserve et qu’il faut courir voir.
Du ciel tombaient des animaux * * *
Théâtre du Rond-Point, 2 bis, av. Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.com Jusqu’au 2 février.
(photo Giovanni Citadini Cesi)