Sœurs

Audrey Bonnet et Marina Hands créent Sœurs de Pascal Rambert

Pascal Rambert le dit : « J’ai décidé d’écrire Sœurs (Marina & Audrey) le lendemain de la première répétition aux Bouffes du Nord de la scène que Marina Hands et Audrey Bonnet ont en commun dans Actrice. » Impressionné par l’énergie que dégageaient les comédiennes, l’auteur et metteur en scène décide d’y répondre. Ainsi est né Sœurs, un texte comme sait en écrire Rambert, en forme de coup de poing. Un style tranchant, une écriture comme un point de couture, qui revient sur elle-même pour mieux avancer, une inspiration aiguë. Des rampes d’une lumière froide et brutale éclairent le plateau occupé par des empilements de chaises… Soudain, Marina et Audrey (elles conservent leur prénom) déboulent face à face, en diagonale comme sur un ring, deux combattantes affûtées pour la bataille, prêtes à se mesurer, chacune chargée d’un passif lourd gorgé de griefs et de ressentiments accumulés depuis l’enfance. L’une est brune, teigneuse, l’autre, l’ainée, aux cheveux plus clairs, a une carrure de nageuse.

Un duo impressionnant

Trop de choses se sont accumulées qui les éloignent maintenant, leurs choix de vie, leurs orientations professionnelles (Marina est dans l’humanitaire, Audrey est journaliste). La mort de la mère, qu’elles admiraient, le fait que l’ainée n’ait pas averti sa cadette, ou trop tard, devient un point de fixation. De non-retour peut-être. La douleur ne peut les réunir, elle les oppose. La réconciliation est impossible. Tout les sépare même si un lien indéfectible les unit. C’est terrible comme un amour impossible. Pour Pascal Rambert, l’affrontement entre deux sœurs n’est que point de départ, le véritable sujet étant l’échange entre deux actrices prêtes à tout remettre en jeu chaque soir. Dans une complicité totale, les deux interprètes sont d’une intensité à couper le souffle, qui jouent avec la diagonale de la scène et de la parole, Audrey Bonnet révélant une force impressionnante, Marina Hands une radicalité souterraine. Fortes d’une colère dévoilée et d’un manque d’amour, elles déballent le texte. C’est un théâtre de mots, une écriture lance-flammes relayée par un jeu d’actrices époustouflant. Elles font de ce théâtre de l’instant un moment unique, sorte de performance où chacune se nourrit du jeu de l’autre.

Sœurs                            * * *

Bouffes du Nord, 37 bis bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Jusqu’au 9 décembre. Panta, Théâtre de Caen, le 22 janvier 2019.