Mélisande

Aux Bouffes du Nord, Richard Brunel et Florent Hubert présentent une version resserrée de l’opéra de Debussy avec Judith Chemla dans le rôle-titre

C’est un focus sur l’héroïne mythique que propose Richard Brunel à travers cette adaptation de Pelléas et Mélisande, l’opéra de Maeterlinck et Debussy, sous la direction musicale et avec les arrangements de Florent Hubert. Dans cette version resserrée, la jeune héroïne est fantasmée comme une épouse de Barbe-Bleue qui, ayant échappé à son bourreau, rencontrera en la personne de Golaud, bientôt son époux, un nouveau geôlier… L’adaptation est concentrée sur le personnage de Mélisande, présentée ici comme une figure sacrificielle. Le titre affiche le parti pris. Celui-ci peut paraître artificiel, il est aussi réducteur. Ainsi Mélisande, par ailleurs dans une durée condensée de l’action, serait condamnée à être toujours une victime de la violence masculine… Avec ce rôle, Judith Chemla retrouve Florent Hubert qui avait signé les arrangements de Traviata vous méritez un avenir meilleur (1). La voix s’est affermie. Pureté du timbre cristallin de la chanteuse, sûreté de son jeu de comédienne, parfois acrobatique, elle est une Mélisande totalement incarnée, profonde, sensible et émouvante. Le passage du texte dit au texte chanté est fluide, naturel. Jean-Yves Ruf, comédien, interprète un Golaud tout en violence feutrée puis expressive, et les duos avec Benoit Rameau (Pelléas) sont d’une belle sincérité.

Voix parlées et chantées

On peut regretter que les éléments scéniques encombrant le plateau (rideaux brillants, lit d’hôpital, toiles plastiques, lavabo, bassines d’eau,…), au réalisme très éloigné de l’univers symboliste de la pièce du poète belge, ôtent de leur mystère à l’histoire. Les interprètes n’en ont que plus de mérite à parvenir à sublimer l’attirance amoureuse, notamment dans une scène du balcon tout en gestuelle évocatrice ou encore dans celle de la tour où les corps se cherchent. Resserrée sur les trois caractères principaux, avec un quatrième interprète figurant tous les autres personnages (Antoine Besson, parfait), la proposition l’est aussi sur la formation musicale, très pertinente. Florent Hubert dirige l’ensemble instrumental composé de Yi-Ping Yang aux percussions, Marion Sicouly à la harpe, Sven Riondet à l’accordéon et Nicolas Seigle au violoncelle, qui jouent en proximité avec l’action et les comédiens.

Mélisande        * *

Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Jusqu’au 19 mars.

(1) Reprise aux Bouffes du Nord de Traviata, vous méritez un avenir meilleur pour dix représentations, du 12 septembre au 3 octobre 2023.

(Photo Jean-Louis Fernandez)