L’art de parler pour ne rien dire, ou la traversée du vide par la compagnie Pjpp
Une dizaine de chaises pour quatre comédiens – deux garçons, et deux filles- il n’en faut pas davantage pour offrir un spectacle régalant et pétillant, composé pourtant d’un assemblage de banalités et de lieux communs. Car la compagnie Pjpp se lance dans une « traversée du vide » et la matière ne manque pas. Nul besoin de parachute pour les interprètes qui tendent un miroir amusé au public. En effet, difficile de ne pas se reconnaître dans l’une ou l’autre des saynètes composant le spectacle telles, entre autres, l’entrée au Centre Pompidou, la saisonnalité des légumes, la recette du tiramisu, la piscine sans chlore, la taille des galets sur la plage des Tilleuls, plus petits que sur celle d’à côté, ou pas, n’arrivant que vers la fin du spectacle… Comme un copié-collé de notre société avec ces personnages touchants, ridicules ou amusants, que l’on reconnaît forcément, puisqu’on leur ressemble, avec leur entêtement, leur mauvaise foi et leur esprit de contradiction.
Improvisations et chorégraphie
Le ton est gentiment moqueur. On n’est pas chez Flaubert, le regard sur la bêtise n’est pas accusé, il est tendre et indulgent, jamais agressif ni méchant. La part d’improvisation donne au texte sa spontanéité, sa fraicheur et son authenticité. Les changements de scène sont marqués par un gong, comme pour une reprise de combat. Déplacement des chaises, changements de configurations, dans un rythme fluide habilement chorégraphié (joli clin d’oeil à Tati dans une partie de ping-pong réduite à ses seuls bruits de balle), les interprètes enchainent les moments drolatiques, ou de solitude, les conversations saugrenues et autres remarques absurdes, bref tout ce qui compose la sourdine du quotidien. Claire Laureau et Nicolas Chaigneau (les concepteurs du projet), Julien Athonady, Marie Rual, Capucine Baroni (en alternance) ont beaucoup de talent. Ils miment, dansent et chantent, subtils observateurs de tous ces petits riens qui font le sel de la vie. Ils sont irrésistibles.
Les galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable) * * *
Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris 18e. Tél. 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com Jusqu’au 10 mars. Puis tournée.
(photo Wilfried Lamotte)