Aux Ateliers Berthier, le spectacle de Tiphaine Raffier interroge notre rapport à la bonté
« Variation sur neuf œuvres de miséricorde », sous-titre de la dernière création de Tiphaine Raffier, jeune auteure et metteure en scène formée au Théâtre du Nord, résume le propos de La Réponse des hommes, inspiré des Oeuvres de miséricorde décrites dans l’Evangile selon Saint Matthieu sur les thèmes de la dette, du don, du sacrifice, et placé sous l’influence du Décalogue du cinéaste Krzysztof Kievslowski. Les titres des séquences indiquent la voie suivie et s’affichent comme les étapes d’un chemin de travail, parfois hasardeux, entre le bien et le mal : Accueillir les étrangers, Donner à boire aux assoiffés, Nourrir les affamés, Visiter les prisonniers, Assister les malades, Ensevelir les morts,… Au long de neuf épisodes réalistes ou tragi-comiques, Tiphaine Raffier s’inspire des gestes de charité de la morale chrétienne, la miséricorde définissant l’acte charitable du chrétien. Entre les injonctions à faire le bien _même si « la charité pure n’existe pas »_, sa pièce pose la question du « comment être juste ? », interroge sur les sentiments de compassion, pointe nos incohérences morales et les fragiles frontières entre bien et mal. Pas de jugement mais un questionnement perpétuel.
Une démarche ambitieuse
La mise en scène mêle la vidéo aux scènes sur le plateau, les séquences jouent sur l’empathie en se référant à des problématiques intimes (l’abandon d’enfant, le don d’organes, la pédophilie,…) et brassent certaines de nos préoccupations actuelles comme « soigner une personne c’est parfois renoncer à en soigner une autre ». De la jeune mère incapable d’aimer son enfant mais engagée dans une cause humanitaire au criminel en attente d’une greffe, nombreux sont les sujets d’interrogation. Dans ce spectacle sans temps mort, certains indices laissent planer une menace plus ou moins imminente : le retentissement d’une sirène stridente, le parachutage sur la scène d’une affiche « Nous sommes désolés »… La musique de Othman Louati, très sensible, jouée par l’Ensemble Miroirs étendus, traverse avec bonheur les différentes séquences. Malgré quelques longueurs dans l’écriture, dans les séquences, ce projet ambitieux ajuste la forme et le fond, et s’il s’étouffe à trop vouloir amalgamer les maux de la société actuelle (l’inceste, la situation de l’hôpital,…), ce faisant, il a le mérite d’alerter les consciences. Et s’il n’y a guère de réponse des hommes, les questions, elles, sont justement posées.
La réponse des hommes * *
Odéon Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Du 9 au 20 janvier.
(Photo Simon Gosselin)