Jours de joie

Reprise aux Ateliers Berthier de la mise en scène par Stéphane Braunschweig de la pièce de Arne Lygre

C’est un compagnonnage heureux que celui mené par Stéphane Braunschweig avec l’auteur norvégien Arne Lygre. Après la création à la Colline de Je disparais et Jours souterrains en 2011, Rien de moi en 2014, et aux ateliers Berthier de l’Odéon Nous pour un moment en 2019, le directeur de l’Odéon met en scène ces Jours de joie, toute dernière pièce de Arne Lygre, dont il est aussi le traducteur, avec Astrid Schenka. L’entente entre les deux créateurs est affirmée et passe la rampe, à commencer par la scénographie très inspirée (signée comme à son habitude par Braunschweig). Sur le plateau dépouillé entièrement couvert de feuilles mortes, un banc très long est installé. L’endroit est calme, situé au bord d’une rivière, et à proximité d’un cimetière. C’est là que vient s’asseoir une femme, bientôt rejointe par une autre, sa fille. Dialogue : « Une mère dit : C’est bien ici, au bord de la rivière. » « Une mère dit… » Plus tard : « Une sœur pense : Voilà ce que maman voulait me montrer ? » Une fois exposées les pensées intérieures des deux femmes, le dialogue s’entame, dans l’attente du fils et frère, qui est en retard. Leur rencontre est perturbée par l’arrivée d’autres personnages, chacun porteur de son histoire, d’une souffrance. Ces différents petits mondes se révèlent peu à peu et résonnent insidieusement les uns avec les autres, un début de communauté semble émerger.

La joie existe

Dans un deuxième temps, la pièce transporte dans un intérieur où l’on retrouve de nouveaux personnages (joués par les mêmes comédiens). Là encore, va se former, autour d’une autre mère, un groupe de gens qui ne se connaissent pas intimement, dans un besoin de « faire société » pour vivre et, pourquoi pas, « former une bande ». Hormis les passages de présentation à la troisième personne, l’écriture est très simple, les dialogues directs, les mots francs, l’humour insolite, et la joie présente. Car la joie selon Lygre existe, par bribes, en filigrane. Il faut la saisir, la laisser advenir et la retenir dans ces moments vécus, souvent passés, quelquefois présents, et partagés. La pièce peut dérouter au premier abord mais le récit choral ancre peu à peu une force souterraine, une douceur certaine qui s’impriment et perdurent. Les interrogations sont multiples et variées : doit-on être capable de « tout pardonner » ? Comment vivre avec ces proches quand on ne les reconnaît plus ? Passant d’un groupe à un autre, chacun des interprètes s’inscrit avec justesse dans l’univers de l’auteur norvégien : Virginie Colemyn, remarquable, Cécile Coustillac, Alexandre Pallu, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Grégoire Tachnakian, Jean-Philippe Vidal. En hommage à la joie.

Jours de joie                             * * *

Odéon, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris 17e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 5 mai.

(Photo Simon Gosselin)