Fantômes

La dernière création de Philippe Minyana réveille les fantômes du passé

Deux comédiens, un bureau, un fauteuil, et des photos. Il  n’en faut pas plus pour créer un univers, à la fois réel, personnel, et imaginaire. Avec cette dernière création, Philippe Minyana interroge son enfance, sa jeunesse, et revient sur son passé familial. D’où la sensation de retrouver des images et une musique familières puisque les souvenirs sont les mêmes que dans 21 rue des sources, créé il y quelques années. Mais pas vraiment de pièce ici, un texte, sous forme d’échanges entre deux amis proches. Hugues arrive, portant une caisse remplie de photos anciennes qu’il éparpille sur le sol. Les voici en vrac, il en pioche une, puis une autre… Les visages ressurgissent, les personnages revivent, le passé est là, qui revient, avec ses témoins de vie. Il est entre les mains de ceux qui regardent les photos, il revit, se mêle au futur, et au présent. Il y a la famille, la maison, mais celle qui retient et revient obstinément, c’est la mère, à la beauté troublante, et à la fin tragique.

La perte du paysage

Enfin, les deux hommes entament le voyage du retour aux sources : la cour de la maison, les murets ne sont plus là, le cerisier a disparu, les fleurs aussi… Hugues « a perdu son paysage », comme il a perdu sa mère. C’est un texte intime et qui donc parle à chacun. Il est mis en scène avec beaucoup de délicatesse par Laurent Charpentier, qui interprète Laurent face à Hugues Quester, dans le rôle de Hugues, bouleversant. Comédien habité, tout entier immergé dans cette recherche du temps perdu et cette descente dans la douleur, il donne un écho profond à la plongée émotionnelle. Son jeu distancié au phrasé singulier apporte une étrangeté à l’écriture de Minyana, et ses mots simples et concrets, et transporte dans un ailleurs onirique et poétique. Avec lui, les photos parlent, les « voix anciennes traversent le temps ». On les entend.

Fantômes      * * *

Théâtre de la Ville-Sarah Bernhard, 2 place du Châtelet, Paris 4e. Tél. 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com Jusqu’au 9 mars.