Dans la luge d’Arthur Schopenhauer

Au programme de la Carte blanche à Yasmina Reza, une pièce de l’auteur et des lectures-piano

L’ombre du philosophe du pessimisme rode sur le texte de Yasmina Reza. « Il s’agit de quatre brefs passages en revue de l’existence par des voix différentes et paradoxales. Ou encore une variation sur la solitude humaine et les stratégies. Des leurres ?» Ainsi l’auteur parle-t-elle de sa pièce, à l’origine un texte devenu objet théâtral par l’intervention de Frédéric Bélier-Garcia, son metteur en scène. Elle y tresse les petits riens du quotidien, comme la façon d’éplucher une orange, les anecdotes futiles avec les interrogations existentielles et les grandes figures de la philosophie, « une matière qui ne répond jamais » (Deleuze, Althusser…). Quatre personnages, donc, quatre soliloques sur l’existence et la façon d’appréhender la vie. Pour Ariel Chipman, misanthrope adepte de Schopenhauer, vivre est une souffrance. Comment s’en accommodent les autres ? A l’évidence, plutôt mal, à part son ami Serge, satisfait en permanence. Sa femme, Nadine ne supporte plus de voir son époux s’enfoncer dans la déprime, la psychiatre elle-même n’est sûre de rien…

Un quatuor de comédiens au diapason

Dans le creuset de la salle de la Scala, le dispositif tri-frontal de Jacques Gabel entoure les comédiens, mettant les spectateurs en poste d’observation, et en intimité avec le texte. André Marcon est impressionnant dans le rôle de l’homme déprimé en route vers la mort « dans la luge d’Arthur Schopenhauer ». A quelle vitesse ? A l’allure que lui donne l’auteur qui l’observe et s’amuse de son état. Elle interprète elle-même l’épouse avec une belle aisance. Jérôme Deschamps fait de Serge un personnage rubicond, ridicule et touchant et Christèle Tual est impeccable. Tous les quatre distillent les petites phrases, les réflexions et les aphorismes de l’auteur de Art. C’est à la fois brillant et moins léger qu’il n’y pourrait paraître.

Dans la luge d’Arthur Schopenhauer   * *

La Scala, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.com Jusqu’au 24 novembre.

. Yasmina Reza met en espace des lectures-concerts de Hammerklavier (Prix de la nouvelle de l’Académie Française 1997) par Carole Bouquet, Nathalie Baye, Bulle Ogier, Josiane Stoléru et Emmanuelle Devos accompagnées d’un pianiste. Et le 20 novembre, André Marcon lira Heureux les heureux dans une mise en espace de l’auteur.