Librement inspiré de Platonov de Tchekhov, le spectacle de Cyril Teste mêle théâtre et cinéma le temps d’une fête
Etre sans père, tel était le titre original de Platonov, la première pièce de Tchekhov, écrite à l’âge de 17 ans, oubliée puis retrouvée des années après sa mort. Revue par Cyril Teste (d’après une traduction d’Olivier Cadiot), de quelle autre rive s’agit-il ici ? Celle de la maison située de l’autre côté du lac où se jouait La mouette, sa précédente mise en scène. Continuité dans l’œuvre de Tchekhov, donc, avec la soirée donnée par la veuve Anna Petrovna. Platonov, ici, c’est Micha, attendu par tous les invités. Personnage central autour duquel gravite une petite société villageoise, il va exacerber, le temps de la fête, les relations, les sentiments. Il y a beaucoup de monde sur la scène, de part et d’autre des tables dressées. Sur une estrade, un comédien-musicien chante et anime la soirée. Pas toujours facile de s’y retouver parmi les personnages, comme toujours chez Tchekhov, et encore moins ici dans le tourbillon de la fête, à laquelle une trentaine de spectateurs invités sur la scène se mêlent aux membres du collectif MxM.
Une soirée débridée
Pour identifier et se rapprocher d’Anna, Micha, Gabriel, Sonia et tous les autres, Cyril Teste recourt à la vidéo avec une efficacité virtuose. L’écran mobile et à géométrie variable restitue les images concentrées sur les échanges doux amers entre les personnages, les expressions et autres révélations, aveux ou règlements de comptes. Figure type de l’anti-héros, Micha appuie là où ça fait mal. Lâche et provocateur, cynique, sarcastique, représentant à lui seul les bassesses de toute la société, il réveille et rend chacun encore plus vivant. La soirée est débridée, la fête foisonnante et alcoolisée, propice à l’épanchement des cœurs et des âmes où s’expriment le désenchantement, les espoirs déçus, les ratages des pères et des fils, le nihilisme. Jusqu’à ce feu d’artifices et la fin de la soirée, à la fois tragique et expédiée. Sans cesse sollicité, le regard cherche sur la scène les comédiens perdus dans la foule des figurants. Ils sont profondément incarnés, notamment par Vincent Berger, Micha attachant et odieux à souhait, Olivia Corsini, déchirante Anna, Emilie Incerti Formentini, Marc Prin, Haini Wang, et tous.
. Sur l’autre rive est également un film réalisé par Cyril Teste, disponible sur arte.tv
Sur l’autre rive * * *
Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 2 où passent 1. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 16 novembre. Tournée : Equinoxe, Châteauroux, 26 novembre, Maison de la Culture d’Amiens, 5-6 décembre, Les Quinconces, Le Mans, 11-13 décembre, Le Condition Publique, Roubaix, 18-19 décembre, Théâtre des Louvrais, 15-17 janvier 2025, Comédie de Valence, 22-23 janvier, Les Célestins, Lyon, 30 janvier-8 février, Le Tandem, Douai, 18-19 mars, Théâtre Sénart, 26-28 mars.
(photo Simon Gosselin)