A La Scala, Marie Torreton fait entendre la voix de Charlotte Delbo et la force de son récit
La servante, cette lampe qui éclaire en permanence la scène quand le théâtre est fermé, est là, fidèle, dans l’attente du début de la représentation. Celle qui se présente à sa rencontre entame un récit bouleversant, celui de Charlotte Delbo (1913-1985), de retour des camps de concentration. Pour le constituer, Marie Torreton s’est basée sur les deux premiers textes de la trilogie Auschwitz et après : aucun de nous ne reviendra et Une connaissance inutile, qu’elle a adaptés. En janvier 1943, Charlotte Delbo est transférée à Auschwitz avec 230 autres femmes déportées politiques. 49 survivront. « Comment sortirons-nous un jour d’ici ? » Telle est la question : comment croire au retour ?
Du témoignage à l’incarnation
La voix est douce, le ton intime. L’écriture, très visuelle décrit les visages, les scènes rapportées sont dures, mais rapportées avec pudeur. La comédienne, mise en scène par Vincent Garanger, se fait témoin quand elle relate la vie dans le camp, et sœur quand elle dit l’aide, la solidarité entre les détenues, le réconfort, l’amitié. Et puis, il y a le théâtre, que Delbo connaît bien, pour avoir été l’assistante de Louis Jouvet avant la guerre. Alors pourquoi ne pas monter Le Malade imaginaire, dont se souvient l’une d’elles ? Et pendant les deux heures que va durer la représentation dans un théâtre improvisé, « nous y avons cru.» Pour toutes ces femmes, l’art va contribuer à la survie. Avant de quitter la scène, Marie Torreton laisse la place à la voix de Charlotte Delbo, de retour parmi les vivants. Ecoutons-la.
Prière aux vivants * *
La Scala Paris, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.fr Jusqu’au 24 juin.
(photo Thomas O’Brien)