Au Lucernaire, Cécile Garcia-Fogel met en scène les héroïnes de Claire Bretécher
Même pas mortes ! Les revoilà, bien vivantes, les femmes croquées par Claire Brétecher, échappées des dessins publiés dans Le Nouvel Observateur de la grande époque et les albums. Faire revivre sur une scène les héroïnes des Frustrés et des Mères… il fallait y penser. Pour avoir été bercée dans son enfance par les dessins de cet artiste, « sociologue » de son époque selon Roland Barthes, Cécile Garcia-Fogel a eu cette idée heureuse, piquante, et très joyeuse. Sur scène, bien sûr, le canapé, accessoire indispensable au décor de la bédéiste qui publiait chaque semaine une chronique de son humeur moquant les comportements de celles et ceux que l’on n’appelait pas encore les bobos, des intellectuels gauchistes citadins et privilégiés. Sympathisante du féminisme, la dessinatrice croquait d’un crayon acéré les travers des hommes et des femmes d’un milieu qu’elle connaissait bien, rien n’échappait à son regard ironique et son esprit caustique.
Des chansons
Sur scène, aucune vignette, aucun dessin, juste quelques accessoires mobiles, ou encore des slogans de manif. Entre des extraits d’interviews au cours desquels Cécile Garcia-Fogel trouve le ton Bretécher, avec Flore Lefebvre des Noëttes, elles jouent les scènes des dessins : copines qui veulent se mettre au sport mais se retrouvent sur le canapé, pauvres femmes riches qui trouvent « dur » d’aller en Thaïlande ou en Grèce, « pas cher » quand tout leur est offert… Personne n’est épargné : le milieu bourgeois intellectuel de gauche, les hommes, les femmes, la presse, l’édition, le féminisme de l’époque. Aucune analyse dans cette évocation des dessins de Bretécher rappels d’un temps avant #MeToo : il n’est qu’à entendre ces femmes comptant les coups reçus, et leurs viols ! Quelques chansons accompagnent le spectacle, joliment chantées par la metteure en scène, dont l’hymne MLF entonné dans les manifs ou celle, plus méconnue, Femmes seules, signée Pierre Perret. L’ironie est constamment affûtée, les caricatures finement esquissées, le ton moqueur, jusqu’au clin d’œil final chanté sotto voce : « c’est une femme libérée »… Tout un programme.
Poussez-vous les mecs ! * *
Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e. Tél. 01 45 44 57 34 www.lucernaire.fr Jusqu’au 5 janvier 2025.
(photo Lisa Lesourd)