Aux Archives nationales, une exposition retrace le parcours du metteur en scène disparu en 2013.
Ainsi il aura fallu, pour cerner l’immense apport de Patrice Chéreau à la vie artistique française de ces dernières années, plusieurs expositions, et celle-ci manquait comme lui-même manque dans le paysage théâtral. Certes, il y avait eu à la Collection Lambert d’Avignon une exposition sur son univers artistique et, à l’Opéra Garnier une autre sur ses mises en scène d’opéra mais celle qui s’est ouverte aux Archives nationales est celle que l’on attendait. Engagée par deux universitaires rattachées à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Marie-Françoise Lévy, historienne, et Myriam Tskikounas, professeure d’histoire culturelle, menée avec une conscience rigoureuse, elle retrace l’itinéraire de l’homme de théâtre, un itinéraire intime et artistique, tracé pas à pas. Déjà, en novembre 2016, les deux commissaires avaient exposé, au sein du lycée Louis-le-Grand, les années de jeunesse de Chéreau, et organisé un colloque sur ce créateur exceptionnel qui avait réuni de nombreux spécialistes, artistes, témoins et personnalités du monde de la culture (1). Elles nous convient cette fois à une mise en images, et en perspective, de ce parcours artistique essentiel. L’émotion est là.
Un dispositif clair, une présence
Des années d’apprentissage, dès 1959 (Chéreau est né en 1944) avec son camarade Jean-Pierre Vincent, au Théâtre de Sartrouville, qu’il dirige d’octobre 1966 à mars 1969, lieu de la rencontre avec Richard Peduzzi , l’ami et le scénographe de toute une vie, à sa dernière mise en scène d’opéra, Elektra, à Aix-en-Provence, et au dernier projet, Comme il vous plaira, de Shakespeare, à l’Odéon, non abouti, rien n’est oublié. Les nombreux documents réunis : photos, maquettes, dessins, proviennent de différents fonds, publics ou privés (le Théâtre de l’Odéon, Archives départementales de Nanterre, la Cinémathèque, le Piccolo Teatro,…) mais l’exposition n’aurait pu être aussi riche sans le concours précieux des amis fidèles et des proches du metteur en scène comme, parmi tant d’autres, Jean-Pierre Vincent ou Gérard Desarthe, maillon essentiel de l’aventure. Dans la grande salle, des personnages ressurgissent au travers des costumes exposés : la reine Margot, Hamlet,… Cahiers de travail, notes en marge des partitions, la maquette du bateau de Peer Gynt, photos de répétition, le bras tendu vers ses comédiens… tout fait que Chéreau est étonnamment présent : «Mes spectacles ou mes films sont fréquemment de l’ordre du journal intime ». L’art et la vie sont indissociables, une vie passée à combler un désir de théâtre.
(1) Patrice Chéreau en son temps, éditions de la Sorbonne, 240 p., 25 euros. Et aussi Patrice Chéreau à l’œuvre, de Marie-Françoise Lévy et Myriam Tsikounas, aux Presses Universitaires de Rennes, 432 pages, 39 euros.
Patrice Chéreau à l’œuvre * * *
Archives nationales, Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e. www.archives-nationales.culture.gouv.fr Jusqu’au 2 décembre.