A l’affiche de l’Opéra Comique, une mise en scène renversante du chef d’œuvre de Gluck dans la version de Berlioz.
Après la version première de l’opéra de Gluck (créée en 1774), présentée au Théâtre des Champs Elysées la saison dernière, l’Opéra Comique programme la version remaniée par Berlioz en 1859 à l’attention de Pauline Viardot, à l’époque unique interprète dont le chant pouvait faire revivre l’art des castrats. L’œuvre, bouleversante dans son épure musicale et stylistique, exalte l’intemporalité du mythe d’Orphée se lamentant de la disparition d’Eurydice. Autorisé par les Dieux à aller la chercher aux Enfers, il ne devra pas la regarder sous peine de la faire disparaître à jamais. Il accomplira ainsi son destin : pleurer sa perte. En magicien avéré de l’espace, Aurélien Bory a l’art de faire bouger les murs et les perspectives (Sans objet, Plan B, Espaece). Ainsi aborde-t-il cette tragédie du regard par le prisme du basculement. Pour cela, il a recours au système du Pepper’s Ghost, système qui renverse la verticalité en profondeur et technique d’illusion grâce à un film tendu, tantôt réfléchissant tantôt transparent.
Marianne Crebassa bouleversant Orphée
Comme le regard d’Orphée se retourne, la scène bascule. Le tableau de Corot, Orphée ramenant Eurydice des Enfers, agrandi, posé à l’horizontale sur le sol et replacé par le reflet comme une toile peinte suspendue aux cintres, participe aux illusions qui rapprochent le monde des vivants et celui des morts. Ces jeux de renversement et de superposition, comme ceux du noir et de la lumière, rejoignent les vibrations de la musique et du chant. Dans le rôle d’Orphée, fine silhouette androgyne, la sensibilité et la profondeur de voix de Marianne Crebassa bouleversent. L’interprétation d’Hélène Guilmette, sensible Eurydice, de Lea Desandre, Amour engagée, reconvertie avec succès aux arts du cirque, ainsi que la direction musicale de Raphaël Pichon, les chœurs de l’Ensemble Pygmalion auxquels viennent s’ajouter des danseurs et des circassiens, tout est parfaitement réuni pour faire de cette nouvelle production de l’Opéra Comique (associé à d’autres maisons d’opéra), une incontestable et superbe réussite.
Orphée et Eurydice * * *
Opéra Comique, 1 place Boieldieu, Paris 2e. Tél. 0 825 01 01 23. www.opera-comique.com Jusqu’au 24 octobre. Spectacle diffusé sur Arte Concert le 18 octobre.