Ombres portées

Au Silvia Monfort, Raphaëlle Boitel croise les arts dans un spectacle fort sur le poids du silence

Donner sens au mouvement. Avec ces Ombres portées, Raphaëlle Boitel et sa compagnie L’Oubliée touchent au but, profondément, splendidement. C’est tout d’abord une femme acrobate, se balançant sur une corde volante au-dessus du plateau. Elle raconte un rêve récurrent qui entraine dans l’obscurité et les profondeurs… Aux battements réguliers d’un métronome, c’est ensuite l’apparition des différents membres de la famille, plombée par un lourd secret. La stature massive et imposante du père laisse planer une violence sourde. Comment exprimer, vivre avec les non-dits familiaux et leurs résonances souterraines ? Dans une construction cinématographique, Raphaëlle Boitel plonge la scène dans un univers d’ombres où les scènes se succédent et glissent, laissant affleurer les personnalités et leur mystère. Si texte, il y a, il demeure rare, et pas toujours audible, relayé par les gestes, les mouvements des corps. Aux acrobaties, saynètes et chorégraphies de dire l’intime, les mensonges et la vérité des êtres.   

Les parts d’ombre

A la croisée du cirque, du cinéma, de la danse et du théâtre, la pièce (déjà créée en 2021) recèle une poésie secrète, une puissance prenante, et transporte entre rêve et réalité. Très inspirée et construite, sa grande réussite repose sur la perfection du travail des corps, le graphisme de l’architecture scénographique, la chorégraphie affûtée, l’atmosphère trouée de rais de lumière et de pointes d’humour surréaliste. Chaque interprète est remarquable : l’acrobate Vassiliki Rossillion, l’acrodanseuse Tia Balacey, le danseur Mohamed Rarhib, la danseuse Alba Faivre, l’acrobate Nicolas Lourdelle, ainsi qu’Alain Anglaret (le père). Les lumières de Tristan Baudoin dessinent les espaces, creusent les distances, le tout rythmé par la musique originale d’Arthur Bison. Beaucoup reste dans l’ombre, l’indicible, à travers ces mots empêchés, ces paroles brouillées puisque non-dit il y a. Images, sons et visions se mêlent dans un alliage de sensibilité, de violence, d’intimité implicite. C’est très beau et très fort.

Ombres portées * * * *

Théâtre Silvia Monfort, 106, rue Brancion, Paris 15e. Tél. 01 56 08 33 88. www.theatresilviamonfort.eu Jusqu’au 23 novembre. Tournée : La Faïencerie, Creil, 5 décembre, La Passerelle, Gap, 23-24 janvier 2025, Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban, 2829 janvier, Le Zef, Marseille, 6-7 février, Théâtre des Célestins, Lyon, 19-23 mars.