Olivier Martin-Salvan dans une incarnation animale du personnage de Valerian Guillaume
Un abribus, arrêt : Les ruisseaux d’or. Un homme, seul, est assis. Autour, rien. Et d’ailleurs, l’homme semble ne rien attendre. Peut-être est-il un personnage fantomatique. Mais non, il commence à raconter : le centre commercial, les enseignes multiples, les vigiles qui vous palpent, les sensations ressenties, l’appel des friandises, les pulsions irrésistibles, les gouttes de sueur,… Mais il y a également, derrière la frénésie consumériste, les visages croisés, les employés, les caissières et leurs regards, les échanges. Le cœur est à la solitude, au vide. Cette adaptation du roman de Valerian Guillaume, par lui-même et Baudouin Woehl, l’auteur signant seul la mise en scène, fonctionne en totale adéquation avec la scénographie de James Brandily et la vidéo de Pierre Nouvel, la composition musicale de Victor Pavel et les lumières de William Lambert qui plongent le texte dans une atmosphère étrange et singulière.
Une interprétation puissante et sensible
Tout repose sur l’interprétation. On connaît Olivier Martin-Salvan depuis sa découverte dans O Carmen, opéra clownesque créé en 2008. En 2013, il sera dans Pantagruel, avant Ubu, d’après Alfred Jarry, deux ans plus tard, des personnages hors normes. Comédien chez Pierre Guillois, Valère Novarina, les entreprises atypiques ou hasardeuses sont pour lui. Il s’y engouffre sans effroi, avec appétit et gourmandise. C’est ainsi qu’on imagine difficilement le personnage de Valerian Guillaume autrement qu’à travers son incarnation. L’homme est-il un monstre ? Incapable de résister à sa gloutonnerie, tour à tour inquiétant, émouvant, pathétique, voire repoussant, c’est peu dire qu’il crée le malaise et ne suscite pas l’empathie. Et pourtant, de malaise en malaise, on suit ses déambulations du centre commercial à la piscine, de la rencontre avec un mauvais copain à l’appartement de la mère. Il est l’homme réduit à sa seule activité consumériste. Dévorateur, bientôt dévoré, incarné dans toute son animalité. Un texte dérangeant et alarmant, sensiblement interprété.
Nul si découvert * *
Théâtre de la Cité internationale, 17 bd Jourdan, Paris 14e. Tél. 01 85 53 53 85. www.theatredelacite.com Jusqu’au 18 avril. Tournée : L’arc, Le Creusot, 27 avril, Théâtre Sorano, Toulouse, 30 mai – 1er juin, Festival de Figeac, 25 juillet.
(Photo Fanchon Bilbille)