Hervé Pierre et Clotilde Mollet jouent Moman de Jean-Claude Grumberg. Une lumineuse rencontre
Pourquoi les méchants sont méchants ? La question vient en deuxième partie du titre et donne le ton au texte de Jean-Claude Grumberg, auteur dramatique bien connu. Nous voici en compagnie d’une Moman attachante et de son fils unique et préféré, Louis, dit Louistiti. L’habitat est précaire, représenté par des toiles tendues recouvertes de bribes de dessins. Le garçon est à l’âge des questions qui n’en finissent pas, sorties d’un esprit curieux, et le plus souvent inquiet. Dans une vivacité d’écriture et des dialogues où les mots sont écorchés et leur prononciation détournée, Grumberg dessine ses personnages d’un trait sûr, installés dans leur quotidien. « Pour vivre heureux, faut s’adurcir ». La mère au franc-parler et aux mots tordus, tente de donner des leçons de vie, ses conseils entraînant d’autres interrogations. Comment « s’adurcir » ? Car vivre heureux est bien la grande obsession de Louistiti qui « s’énnuie », ne veut pas mettre son « pijmassa », de toute façon, il n’arrive pas à dormir, alors à quoi bon ?
Un formidable couple
En une succession de saynètes drolatiques autant que touchantes, le paysage se révèle : le père est absent, la mère se débrouille seule pour élever son enfant, lequel découvre à l’école les duretés de la vie. De quoi est-il fait ? demande-t-il. « En bois », répond la mère. Une façon elliptique de signifier une « singularité » après qu’elle ait raconté l’enfance de son père, obligé de se cacher pendant la guerre. Pétris de pudeur et d’humour, les dialogues sont écrits d’une langue jamais mièvre et truffée de saveurs à l’ancienne que les interprètes font leurs avec naturel et gourmandise. La rencontre entre Jean-Claude Grumberg, Clotilde Mollet et Hervé Pierre fait merveille dans la mise en scène et le dispositif scénique inventif de Noémie Pierre, clin d’œil à l’enfance et à la poésie. Il suffit d’un tablier pour que Hervé Pierre soit la « moman », et pas la « mamin », à la fois désarmée et tendre, qui connaît l’« ingoisse » et parfois même la « blouse ». Clotile Mollet est Louistiti, éternel enfant. Formidable couple tout en tendre humanité.
Moman * * *
La Scala, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.fr Jusqu’au 19 juin.
(photo Thomas O’Brien)