Au Musée des arts asiatiques, une exposition rétrospective de Marc Riboud
Photographe ? Reporter ? D’abord photographe, puis ensuite reporter, autrement dit photo reporter, ainsi que l’on dénomme ces photographes témoins de l’actualité d’un bout à l’autre de la planète, Marc Riboud (1923-2016) est de cette famille, il va où l’actualité le porte. Un parcours entamé au sortir de la guerre, avec autour du cou l’appareil photo de son père : des environs immédiats de Lyon, sa ville natale, puis la découverte de Paris, en 1953. Alors qu’il se promène en bas de la Tour Eiffel, levant les yeux, il aperçoit un peintre, capte l’attitude inscrite dans le ciel, le geste décontracté et sûr de l’homme défiant le vertige. Tout y est : l’instinct de l’inédit, la grâce du hasard, le sens de la géométrie (cf. plus tard les clichés pris en Inde) acquis pendant ses études d’ingénieur. La photo deviendra célèbre, elle est désormais un classique. Il dira : «une photo, c’est une rencontre, une surprise. »
Il va où l’actualité le porte, et aussi son instinct. Entré à l’agence Magnum, Robert Capa l’envoie en Angleterre en 1954, pour parachever sa formation, « voir les filles et apprendre l’anglais ». Il y saisit la dureté de la vie, la pauvreté des lieux, la grève des dockers de Liverpool, les ouvriers à Leeds,…) et aussi les moments de repos. Son écriture est photographique, sans formatage, son regard est toujours à hauteur d’homme.
De la photo au reportage
Les voyages de Marc Riboud ne répondent pas à une commande, il les choisit mais ils sont le plus souvent guidés par l’actualité. Ainsi, dans ces années d’après-guerre, il commence par la Yougoslavie, avant d’aller de plus en plus loin vers l’Est. Après la Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Inde, où il reste un an, ses pas le conduisent au Népal, puis en Chine. L’Asie est parmi les destinations privilégiées, il saisit les grands moments de l’histoire de ses différents pays, comme le Vietnam (la photo de la ville de Hué, détruite, vaut à elle bien des reportages). En 1956, Cartier-Bresson l’engage à faire prolonger son visa en Chine sur laquelle « rien de bon n’a été fait ». Il photographiera le pays de 1957, au temps de l’espoir, avant le « Grand bond en avant». Les changements du pays, il les suivra et les captera sur plus de cinquante ans. S’il a sillonné le monde entier, Riboud se définissait « plutôt comme un promeneur », privilégiant la rue, le village ou encore la campagne, et disait photographier « souvent en flânant ». Parfois la flânerie se transforme en course folle, comme en 1962, en Algérie. Parfois encore, la bonne photo vient à lui, comme ce jour de 1967 à Washington quand, lors d’une manifestation contre la guerre du Vietnam, une jeune fille tend une fleur à des soldats. La photo, connue en noir et blanc, existe aussi en version couleur. « Le plus souvent, sur une planche, la meilleure photo saute aux yeux, comme le bon accord sonne juste à l’oreille ». Marc Riboud a laissé plus de 50 000 photographies (négatifs, diapositives et épreuves sur papier) désormais réunies dans un fonds déposé au Musée des arts asiatiques. La grande exposition rétrospective emprunte le fil chronologique des voyages, les chemins du photographe témoin des grands événements, comme le procès Barbie, ouvre un espace réservé aux amis : Jean Daniel, qu’il a accompagné à Cuba pour son interview de Fidel Castro, Anne Philipe, en Chine,…, montre les figures du siècle, comme cette rencontre avec Castro à Cuba la veille de l’assassinat de Kennedy, et se clôt sur les brumes des monts Huang Shan, étonnantes photos comme autant de tableaux envoutants.
(1) Catalogue Marc Riboud, Histoires possibles, co-édition Mnaag/ Rmn-GP, 272 pages, 240 illustrations, 35 euros.
. Marc Riboud, Histoires possibles
Musée national des arts asiatiques, 6 place d’Iéna, Pari 16e. www.guimet.fr Jusqu’au 6 septembre 2021.M
(Photo Marc Riboud. Fonds MR au MNAAG)