Au Rive Gauche, Johanna Boyé met en scène le roman à succès de Karine Tuil avec sept comédiens aux multiples visages
Le roman compte pas loin de 500 pages… autant dire que son adaptation scénique relevait de la mission sinon impossible, mais périlleuse. Johanna Boyé et Leslie Menahem ont relevé le défi : en moins de deux heures, l‘histoire est pliée. Et quelle histoire ! Celle de Sam, que d’aucuns imaginent être Samuel alors que son véritable prénom est Samir. A la faveur d’un malentendu, celui qui voyait son horizon barré à cause de ses origines, a vu les portes s’ouvrir sur un destin plus favorisé. Par opportunisme, de musulman, Sam est devenu juif aux yeux des autres, et notamment de sa nouvelle famille new yorkaise, et du cabinet d’avocats dont il est devenu une célébrité. Mais à ses yeux, qui est-il ? Difficile de s’y reconnaître et d’être soi-même, quand on se dit orphelin alors que sa mère vit toujours et qu’il a des contacts réguliers avec elle, et que lors d’un voyage à Paris, il revoit ses anciens amis. Attention toutefois, comme le dit un proverbe yiddish cité par Karine Tuil, auteure du roman : « avec le mensonge, on peut aller très loin, mais on ne peut jamais en revenir. » Comment cela va-t-il se passer ?
Sept interprètes énergiques
L’adaptation utilise les différents ressorts de l’histoire, enchaine les séquences à bon train dans un montage nerveux reléguant la psychologie des personnages au second plan au profit de caricatures à l’emporte-pièces. Il en va ainsi du voleur d’identité, affreux menteur et séducteur invétéré, de sa « famille » juive new yorkaise comme de l’originelle. Quant à la question, en toile de fond, de l’égalité des chances, elle se trouve réduite à une série de clichés. De même que les problématiques de la construction de soi, de l’image personnelle ou de la réussite sociale. Et quand l’histoire connaît une chute abrupte et retentissante, elle semble comme escamotée après tant de péripéties, et passée au second plan alors qu’elle ouvre sur d’autres questionnements. La mise en scène de Johanna Boyé est tendue, et les sept comédiens réunis autour de Valentin de Carbonnières parviennent à passer d’un personnage et d’une situation à l’autre en un instant, déployant une belle énergie.
L’invention de nos vies *
Théâtre Rive Gauche, 6 rue de la Gaîté, Paris 14e. Tél. 01 43 35 32 31. www.theatre-rive-gauche.com
(Photo Fabienne Rappeneau)