Les Petites Filles modernes (titre provisoire)

La dernière création de Joël Pommerat inaugure le nouveau Théâtre des Amandiers

Après avoir adapté plusieurs contes (Le Petit chaperon rouge, Pinocchio, Cendrillon), Pommerat a écrit le sien : Les Petites Filles modernes. Présenté dans la grande salle du Théâtre des Amandiers rouvert après quatre ans de travaux, il exploite magistralement l’espace de la scène, avec dès l’ouverture, un effet d’optique fascinant : prises dans une focale lumineuse, deux minuscules silhouettes au loin, comme deux infimes marionnettes sorties d’un conte. La narration peut alors commencer : les deux personnages se rapprochent, soudain projetés dans le quotidien d’un collège avec son lot de harcèlement scolaire. Entamée dans la violence, la relation va ensuite évoluer vers une amitié passionnée et indéfectible, arme absolue contre le monde des adultes. Des parents, on n’entendra que les voix, hostiles, voire menaçantes. Ainsi les deux adolescentes, Jade et Marjorie, vont-elles partager leurs fantasmes d’un monde parallèle imaginaire, se réfugier dans des rêves plus prosaïques, ou encore braver les interdits.

D’un monde à l’autre

Les illusions d’optique créées par la scénographie d’Eric Soyer, comme la création vidéo de Renaud Rubiano jouent avec les pertes de repères, celles des deux héroïnes, et celles du public. Entrecoupées de noirs profonds, les lumières font passer d’un monde à l’autre, tout comme les jeux de miroirs installent un univers flottant, insinuent le mal-être adolescent, la confusion des genres et des sentiments. L’alternance entre univers onirique (l’amoureux vieillissant) et réel (la chambre de Jade), étrangeté du fantastique (apparition d’un animal sauvage dans la chambre) et banalité du quotidien (rappels des parents), la beauté des images, les apparitions extraordinaires, plongent dans une atmosphère envoûtante et une étrangeté fantasmagorique subjuguante. Tout est mouvant, brouillé, les temporalités comme les références. Lancinante, la musique d’Antonin Leymarie souligne l’obsession des rêves. Tout, dans la forme visuelle, et dans le jeu de Coraline Kerléo et Marie Malaquais, est parfaitement abouti, même si n’est pas toujours audible le dialogue des deux adolescentes, ajoutant à l’opacité et l’incompréhension de cet âge fragile dont Pommerat laisse entrevoir les gouffres.

 

Les Petites Filles modernes (titre provisoire)       * * *

Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo-Picasso, 92022 Nanterre. Tél. 01 46 14 70 00. www.nanterre-amandiers.com Jusqu’au 24 janvier. Tournée : 11-15 février, Châtenay-Malabry, 19-20 février, Evry, 4-5 mars, Bourges, 8-9 avril, Redon, 14-18 avril, Genève, 23-24 avril, Charleroi, 29-30 avril, Amiens, 5-6 mai, Martigues, 20-22 mai, Dunkerque, 3-18 juin, Strasbourg.

 

(photo Agathe Pommerat)