Au Centquatre, en coproduction avec le Festival d’automne, Fabien Gorgeart adapte et met en scène le récit de Delphine de Vigan
On a en mémoire Stallone, adapté par Fabien Gorgeart d’une nouvelle d’Emmanuelle Bernheim, avec Pascal Sangla et Clotile Hesme. Dans cette nouvelle adaptation, cosignée avec Agathe Peyrard, du récit de Delphine de Vigan, Pascal Sangla est à nouveau aux manettes de la musique. C’est lui qui accueille le public et, quand le spectacle commence, on pourrait se croire dans un karaoké. Rien de surprenant, à l’évidence, puisque Michka, le personnage principal, est une ancienne auteure de chansons. Atteinte d’aphasie, elle vit désormais dans une résidence pour personnes âgées, un Ehpad. Ses journées sont rythmées par la visite de Jérôme, l’orthophoniste, et, les fins de semaine, celle de Marie, une jeune femme dont elle est proche. Mais il y a un épisode de sa vie que Michka n’a pas oublié : les années de guerre pendant lesquelles elle a été recueillie par un couple, dans un village. Elle ne voudrait pas disparaître avant d’avoir retrouvé ces deux personnes, pour les remercier. Elle charge Marie de passer une annonce.
La mémoire des chansons
Sur le sujet délicat et douloureux de la perte de mémoire, la mise en scène n’appuie pas délibérément la corde sensible mais elle n’évite pas les bons sentiments même si la présence et l’interprétation de Catherine Hiegel contournent heureusement cet écueil, mais cela ne suffit pas. Avec son aisance naturelle, sa force tranquille, la grande comédienne dit un mot pour un autre, ne se perd jamais dans les lapsus, les néologismes, et autres « d’abord » et « merdi », tout en tenant à distance les rires éventuels. Elle contient l’inéluctable déclin, jusqu’à créer une empathie. Pour entretenir la mémoire de l’ancienne parolière, Jérôme joue des amorces de tubes et fait une belle place à la chanson. La pièce prend alors des accents de « comédie musicale », créant une légèreté en décalage avec le propos, hormis lorsque Hiegel interprète Nantes, avec l’émotion qui s’en dégage. En parallèle, le sujet de la gratitude au cœur du récit, est juste évoqué. En restant à la surface de ses différentes thématiques et à trop vouloir éviter tout sentimentalisme, la pièce perd en profondeur et en sensibilité, et c’est dommage.
Les Gratitudes *
Centquatre, 5 rue Curial, Paris 19e. Tél. 01 53 35 50 00. www.104.fr Jusqu’au 25 novembre. Tournée : Les Célestins, Lyon, 29 novembre au 9 décembre, Théâtre cinéma de Choisy-le-Roi le 12 décembre, Espace 1789, Angoulême, 14 et 15 décembre, Saint-Ouen, 19 et 20 décembre, Rochefort, 12 et 13 janvier, Pau, 16 et 17 janvier, Poitiers, 19 et 20 janvier, La Roche-sur-Yon, 23 et 24 janvier, Dunkerque, 27 janvier, Toulouse, 30 janvier au 1er février.
(photo Jean-Louis Fernandez)