Aux Ateliers Berthier, une création d’Animal Architecte retrace l’itinéraire de Simone de Beauvoir
Présenté dans le cadre du Festival d’automne, le spectacle de la compagnie Animal Architecte, fondée en 2018 par Camille Dagen et Emma Depoid, pouvait susciter quelques craintes étant donné l’ambition de la démarche : retracer la vie de Simone de Beauvoir (1908-1986) à travers ses écrits, et notamment ses Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge, La Force des choses. Déployant une énergie, une volonté et une audace à la hauteur de leur inspiratrice, ces Forces vives portent bien leur nom. Comment appréhender une vie aussi riche et accomplie que celle de l’auteur du Deuxième Sexe ? En faisant des ellipses, forcément, en s’attardant sur certains pans de son existence, quitte à en laisser d’autres sur le côté. Après une entrée en matière où de Beauvoir exprime sa profonde angoisse de la mort, sa grande inquiétude, retour en arrière et aux premières années : l’enfance et la rage, le milieu bourgeois, le piano, les jeux avec sa sœur, la découverte de l’amitié avec Zaza, l’adolescence, l’envie d’être soi, déjà.
Une mise en scène en mouvement
Le spectacle est certes inégal mais il est passionnant, d’une fidélité rare à celle dont il retrace le destin, la donnant à voir dans son entièreté : « je serai toujours moi-même », profère-t-elle, et sans nul doute elle l’aura été. Un souffle de chaque instant traverse ces Forces vives, toujours en mouvement. La scénographie mobile multiplie les lieux à renforts de châssis sur roulettes, de portes et de fenêtres tombant des cintres, quand ce n’est pas le personnage qui s’élève dans les airs. Ainsi l’enfance puis l’adolescence se passent dans une cage ouverte, entourée de ses parents, transformés un court instant en personnages de vaudeville. L’écriture procède par ruptures de ton, passe de plans rapprochés sur Simone (incarnée par Hélène Morelli, qui sera plus tard Zaza, puis par Camille Dagen, Marie Depoorter, Nina Villanova) à des brouhahas de voix ou des portraits de groupes (on entend ça et là Sartre, Merleau-Ponty,…), à l’entourage et aux soubresauts de l’époque. Et lorsque Sarah Chaumette fait résonner le célèbre «j’ai été flouée », elle ferme la boucle d’un enthousiasmant spectacle, formidablement incarné et vibrant.
Les Forces vives * * *
Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris 17e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 20 décembre. Représentations surtitrées en anglais les 6, 13 et 20 décembre. Tournée : Comédie de Reims, 12 au 21 mars 2025, Théâtre des 13 vents, Montpellier, 8 au 10 avril.
(photo Simon Gosselin)