La pièce mise en scène par Johanna Boyé, découverte lors du Festival off d’Avignon 2019, est actuellement au Rive Gauche. Une réussite
Il y a des spectacles qui s’inscrivent dans la durée et c’est fort heureux. Il en va ainsi de la mise en scène par Johanna Boyé de la pièce de Michel Bellier, Les filles aux mains jaunes, créée au Festival off d’Avignon l’été 2019. Nous sommes début août 1914. La guerre va être déclarée, les hommes vont partir au front, souvent avec la conviction de revenir bientôt. Les usines n’ont plus de main d’oeuvre, les femmes vont devoir prendre la place des ouvriers. Pour la plupart d’entre elles, c’est la découverte des machines et du monde du travail. Dans la fabrique d’armement où elles sont embauchées, elles sont quatre qui vont ainsi faire connaissance : il y a Rose, qui élève ses deux enfants, Jeanne, l’ainée, Julie, la jeune épousée, et puis Louise, la militante suffragiste qui va faire découvrir à ses compagnes la solidarité, la camaraderie, et les valeurs de l’éducation. Le travail est dur, les corps sont fatigués, les mains tachées de jaune, une couleur impossible à enlever. La pièce de Michel Bellier évoque et rappelle tout cela, la fabrication par les femmes d’armes destinées à tuer des hommes, le silence sur les dangers du TNT, et les prémices du féminisme.
Sans temps mort
Peu à peu, Louise va éveiller les consciences à la politique : « Notre force s’arrête où commence notre peur. A travail égal, salaire égal ! A bas la guerre ! Vive la grève ! » Les quatre ouvrières deviennent des militantes, se révoltent, s’affirment et découvrent leur pouvoir. Le décor très astucieux (scénographie d’Olivier Prost) favorise les glissements rapides, les fenêtres des maisons deviennent aussitôt les places assignées aux ouvrières dans l’atelier de fabrication des obus,… La mise en scène nerveuse, les déplacements furtifs (au début de la pièce, on croirait apercevoir un nombre plus important de personnages), la musique de Mehdi Bourayou, les lumières de Cyril Manetta, la chorégraphie de Johan Nus et les costumes de Marion Rebmann, tout est parfaitement accordé, assemblé. Les personnages sont formidablement incarnés par Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard et Elisabeth Ventura, investies dans l’aventure de ce spectacle sans temps mort, engagé, sincère, porté sur une vague dynamique, sans oublier de beaux moments d’émotion. Une réussite.
Les filles aux mains jaunes * * *
Théatre Rive Gauche, 6 rue de la Gaité, 75 014 Paris. Tél. 01 43 35 32 31. www.theatre-rive-gauche.com
(Photo Fabienne Rappeneau)