L’échange

Christian Schiaretti met en scène la première version de la pièce de Claudel. Co-produit avec le Théâtre des Gémeaux à Sceaux, où il a été créé, le spectacle se joue maintenant au TNP.

Pour Christian Schiaretti, la première version de L’Echange, quatuor à cordes intimiste de Paul Claudel, demeure comme un point obscur dans son œuvre. L’auteur y exprime ses contradictions au travers des personnages : « C’est moi-même qui suis tous les personnages, l’actrice, l’épouse délaissée, le jeune sauvage et le négociant calculateur. » La pièce se déroule le temps d’une journée, du lever au coucher du soleil. Elle se passe sur la côte Est des Etats-Unis, une plage est au loin… Ecrite en 1893 alors que Claudel était consul suppléant à New York, elle oppose, dans l’Amérique de ces années-là, deux couples : un riche homme d’affaires, Thomas Pollock Nageoire accompagné de Lechy Elbernon, comédienne de la démesure, aux jeunes gardiens de sa propriété, Louis Laine, métis indien, et Marthe, sa jeune femme. Deux miroirs du couple inversés. Le monde matériel contre les aspirations spirituelles, l’âge mûr contre la jeunesse. Quelle marchandise est à vendre, qui peut être acheté ? Tout peut-il s’échanger ? En trois actes, Claudel interroge la morale de l’échange.

Une partition violente et secrète

Grand connaisseur de l’œuvre de Claudel, le directeur du TNP s’attache à faire entendre la prosodie des vers, matière première vivante de la pièce. Dans l’épure de sa mise en scène, la langue claudélienne révèle sa pureté, ses chatoiements, ses flamboyances sauvages. Peu d’effets sur le plateau nu, si ce n’est, d’entrée, une pluie soudaine de sable rouge qui va délimiter le lieu de l’action, une terre sauvage où vont s’exalter les passions soudaines, s’opérer les calculs et les revirements. La scénographie de Fanny Gamet cerne l’intimité, les lumières de Julia Grand suggère la beauté, les dangers de la nature. Les comédiens insufflent de la chair à la partition violente et secrète. Louise Chevillotte endosse le rôle de Marthe, « douce amère », figure claudélienne, avec un bel engagement. Moins à l’aise avec la rythmique, Marc Zinga joue un Louis Laine très physique. Robin Renucci est Thomas Pollock, entre cynisme et désenchantement, et Francine Bergé imprime une puissance rare au rôle de l’actrice. Impériale de bout en bout, elle rayonne.

L’échange                            * * *

Théâtre National Populaire, 8 place Lazare-Goujon, 69 627 Villeurbanne. Tél. 04 78 03 30 00. www.tnp-villeurbanne.com Du 6 au 22 décembre. Comédie de Picardie, Amiens, du 23 au 25 janvier, Comédie de Valence, 12 au 13 mars, Comédie de Saint-Etienne, du 2 au 4 avril.