Dans le cadre du Festival d’automne, la MC 93 accueille la mise en scène par Julien Gosselin de la pièce de Léonid Andreïev, créée la saison dernière
L’auteur est contemporain de Tchekhov et de Gorki, qui le plaçait au niveau de Tolstoï : Léonid Andréiëv (1871-1919), joué au Théâtre d’Art de Moscou au début du siècle dernier, oublié ensuite dans son pays, et dont, en France, Laurent Terzieff avait monté La Pensée dans les années 60. C’est par le grand traducteur André Markowicz que Julien Gosselin découvre Andréïev et décide de travailler certains de ses textes. Le Passé est composé de différentes œuvres : Ekaterina Ivanovna, pièce en quatre actes de 1912, et Requiem, entrelacées de trois nouvelles : L’Abîme, Après le brouillard et La résurrection des morts. La première pièce, colonne vertébrale du spectacle, est centrée sur le personnage d’Ekaterina. Après son premier acte, marqué par la violence, place à Requiem (1916), pièce symboliste dont on découvre les dialogues sur des cartons projetés à l’écran, comme au temps du cinéma muet. Puis retour au personnage central avant la nouvelle L’Abime, racontée par une comédienne. Suivent La mer, ou la vue d’horizons, et Dans le brouillard, conte burlesque filmé en noir et blanc et joué par des comédiens portant masques. Après un entracte, la suite de la pièce est entrecoupée par La résurrection des morts, nouvelle écrite entre 1910 et 1914.
L’image relègue le jeu théâtral au second plan
Les feux de la rampe sont là : un alignement de bougies éclaire le plateau d’une douce lumière. Derrière, un poêle allumé dans une maison, celle où vit Ekaterina et sa famille. Aucune quiétude, une atmosphère de folie règne. Celle d’un homme qui, croyant avoir été trompé, poursuit sa femme avec un pistolet mais la manque. Chassée de la maison, elle mènera dès lors une vie erratique et débauchée, femme « perdue » qui mettra les hommes face à leur voracité. Les décors sont là : une maison, une datcha, un atelier d’artiste, lieux où circulent les comédiens, suivis de très près par deux vidéastes habiles. Car le théâtre sert de support au cinéma, les images projetées au-dessus du décor reléguant le jeu théâtral au second plan. Celui-ci, enveloppé d’une musique électro omniprésente, est tenu à distance, d’autant que le texte, trop souvent incompréhensible, devient inaudible. Julien Gosselin maîtrise en virtuose sa mise en scène, les raccords entre théâtre et cinéma sont un travail remarquable, mais ce « trop » virtuel nuit à la découverte de l’auteur méconnu et c’est bien dommage.
(Pièce vue au Théâtre de l’Odéon en décembre 2021)
Le Passé * *
MC 93, 9 bd Lénine, 93000 Bobigny. Tél. 01 41 60 72 72. mc93.com. Du 18 au 27 novembre.
(Photo Simon Gosselin)