Au Studio-Théâtre, Louis Arene dynamite la comédie en un acte de Molière entre commedia dell’arte et farce cynique
Le décor en bois, revêtu d’une peinture blanche, prend la forme d’une boite au plancher pentu, évocation du théâtre de tréteaux cher à Molière, propre à l’improvisation. La boite magique a tout du lieu idéal pour infuser le potentiel comique de la courte pièce, « une potacherie savante », selon Eric Ruf, et mieux le faire imploser. Cette machine à jouer se révèle être un piège truffé de chausse-trappes comme autant de boites à claques pour un Guignol nommé Sganarelle. Résolu de se marier à un âge avancé, le pauvre homme est, au moment de franchir le pas, assailli de craintes : et si sa jeune femme allait « le faire cocu », honte suprême ? On retrouve dans cette comédie en un acte les obsessions de l’auteur, avec un concentré de ses précédentes pièces et les ombres d’Arnolphe, de George Dandin, Harpagon ou encore Alceste, aussi bien que de Célimène, Agnès ou Angélique dans le personnage de Dorimène, sans compter la présence de docteurs en philosophie et autres charlatans…
L’inversion des rôles
Louis Arene joue à fond la carte de la bouffonnerie mâtinée de cruauté. Victime désignée, Sganarelle va être le jouet de Dorimène et de ses alliés, pris au piège d’un labyrinthe comme un rat de laboratoire. L’homme d’âge mûr devient ici une proie entre les mains de sa jeune épouse. L’inversion des rôles, audacieux pour l’époque, est pris au pied de la lettre par Louis Arene qui l’accuse encore en faisant jouer les hommes par des femmes, et inversement. Ainsi Julie Sicard interprète-t-elle Sganarelle, enfantin, ridicule, fragile, quand Dorimène est jouée par Christian Hecq, tout en force et en rouerie, qui ne ménage pas ses mines et ses effets. Autour d’eux, Sylvia Bergé, Benjamin Lavernhe et Gaël Kamilindi jouent les différents comparses avec un formidable emballement. Derrière leurs masques (réalisation de Louis Arene), tous métamorphosent leur voix et les costumes (Colombe Lauriot Prévost) achèvent de les montrer tels des pantins fantomatiques, bien réels le temps de la représentation.
Le mariage forcé * *
Studio-Théâtre, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris 1er. Tél. 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr Jusqu’au 3 juillet.
(photo Brigitte Enguérand, coll. Comédie-française)