Au Rond-Point, Sandrine Lanno met en scène un texte d’Yves Ravey, adapté avec Joël Jouanneau. Une vision terrifiante de l’univers scolaire.
Lors d’une sortie scolaire à la piscine, deux élèves du collège Trinité, voyant le professeur d’anglais qui les accompagne faire la brasse, sautent sur ses épaules et tentent de l’enfoncer dans l’eau, comme s’ils voulaient le couler. L’homme boit la tasse, et ressort de la piscine, choqué par l’incident. Mauvaise blague ? Geste imbécile ou acte criminel ? L’incident soulève de multiples interrogations et entraîne une enquête de la part de la direction du collège. Tandis que le professeur principal, M. Bligh, plutôt bonhomme, tente de comprendre ce qui s’est passé avec ses élèves, le censeur du collège, M. Saint-Exupéry, ne plaisante pas avec la discipline et cherche les responsables : les élèves ont-ils voulu supprimer le professeur ? Celui-ci, par sa tenue, n’aurait-il pas provoqué le chahut ? L’auteur Yves Ravey est lui-même professeur en collège et connaît bien le milieu scolaire et les règles de l’institution. Il en pointe les travers. Peut-on continuer à exercer son métier, à aimer ses élèves et se laisser noyer par eux ?
Un réquisitoire délirant
Sous la lumière crue de Dominique Bruguière, la scénographie de Camille Rosa installe la salle de classe sur un sol évoquant le bassin de la piscine. Car l’événement est omniprésent. Le style narratif du début acquiert au fil du récit une dramaturgie, une théâtralité soulignée par l’adaptation de Joël Jouanneau et Sandrine Lanno. Les spectateurs se trouvent tantôt dans la position des élèves tantôt faisant partie des membres de la commission d’enquête. L’analyse de l’incident, poussée dans ses extrêmes par le censeur Saint-Exupéry, vire au comique, à l’absurde, au tragique. Elle est avant tout désespérante. Dans un délire obsessionnel, celui-ci se transforme en procureur intransigeant, échafaude un réquisitoire délirant dans une démonstration qui voit dans le geste répréhensible une tentative de noyer le corps enseignant. A cet exercice, les deux comédiens s’opposent dans un jeu affûté. Dans le rôle de l’enseignant compréhensif, Grégoire Oestermann est très juste dans sa tentative un peu lâche d’être proche de ses élèves, à la fois ironique, blasé, résigné, impuissant, jusqu’à la fuite, tandis que Philippe Duclos compose un personnage de censeur torturé, en proie à des démons intérieurs refoulés, inquisiteur glaçant à la nature inquiétante.
Le cours classique * *
Théâtre du Rond-Point, 2 bis av. Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr. Jusqu’au 29 septembre. La Comédie de Picardie, Amiens, du 4 au 6 décembre, La Ferme du Buisson, Marne-la-vallée, 25 janvier 2020, Théâtre de Chelles le 28 janvier, La Passerelle Pontault Combault 31 janvier.
(photo Giovanni Cittadini Cesi)