Adapté par Marc Beaudin et Julien Bleitrach, le roman de Sorj Chalandon donne lieu à un huis clos scénique haletant.
Sac de voyage à la main, magnétophone en bandoulière, il arrive, s’adresse au public comme à son ami, Sam. Lui, c’est Georges, étudiant, de retour du Liban, qui vient rendre compte de son séjour à Beyrouth, où il était parti pour mener à bien le projet fou de Sam, devenu incapable de le réaliser : monter Antigone, de Anouilh, dans le Beyrouth en guerre de 1982. On passe d’une temporalité à l’autre, à la fois dans le récit du retour, dans la chambre de Sam, et dans le feu de l’action à Beyrouth. Quand il arrive sur place, en janvier 1982, Georges, enthousiaste et tout à sa promesse, découvre la distribution envisagée par son ami : Antigone sera palestinienne, Créon sera chrétien, Hémon sera druze, Ismène arménienne et les gardes, chiites. Accompagné de son chauffeur druze, il sillonne le pays, échappe aux tirs, parvient à réunir les interprètes. Mais quand arrive le massacre de Sabra et Chatila, le rêve de fraternité se fracasse sur la réalité de la guerre. Le projet de monter Antigone meurt à Chatila.
La force du récit
Le livre de Sorj Chalandon (prix Goncourt des lycéens 2013) inspire de nombreux metteurs en scène, désireux de faire vivre ce quatrième mur du théâtre, celui, imaginaire, formé par le public. La fiction du roman s’inscrit dans une réalité du terrain à laquelle l’écrivain a été confronté quand il était journaliste, envoyé spécial pendant la guerre au Liban. Son écriture est claire, simple et précise, émaillée d’éclats poétiques. Aucune illustration superflue dans la mise en scène de Julien Bleitrach et Cyril Manetta, la force est dans le récit, au présent du retour, au passé des souvenirs. Les lumières de Cyril Manetta, la musique du compositeur Michaël Filler, la présence du magnétophone, habilement utilisé, cernent les différents univers, les temps, les lieux du récit. Dans la peau de Georges, Julien Bleitrach alterne l’exaltation de l’amitié, la fidélité, la passion de l’action, la colère, la peur enfin.
Le 4ème mur * *
Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris 1er. Tél. 01 42 36 00 50. www.lesdechargeurs.fr Jusqu’au 2 mars.
(photo Yann Renaut)