L’auteur italien Ascanio Celestini est de retour au Rond-Point avec un texte de colère emporté par David Murgia
C’est un homme qui va beaucoup au bar et qui raconte ce qui se passe dans la rue, dans son immeuble, la vie telle qu’il la côtoie… un genre de SDF à la tête de Jésus qui apostrophe Dieu : Pourquoi avoir puni Stephen Hawking qui a nié son existence ? Et ensuite Steve Jobs qui lui a permis de communiquer grâce à un ordinateur ? L’homme (David Murgia) ouvre le rideau situé derrière lui, découvrant un tas de caisses de bière vides, et un deuxième personnage, Pierre, son colocataire (les mains occupées à l’accordéon et qui parle par la voix de Yolande Moreau). Laïka, c’est le nom de la petite chienne envoyée dans l’espace en 1957 par les Soviétiques, une chienne des rues, plus robuste que les chiens « de salon », qui aura ainsi côtoyé les étoiles et été la plus proche de Dieu. Notre narrateur, lui, est bien sur terre, aujourd’hui, à rappeler la voûte céleste qui s’affaisse, les cent mille noirs noyés dans la mer, à débiter des histoires, celles la femme embrouillée, du clochard, de la prostituée, à leur donner couleur et vie.
L’art du conteur
L’an dernier, sur la même scène, Ascanio Celestini disait Dépaysement, traduit en direct par Patrick Bebi et accompagné par un accordéoniste. Laïka, interprété par David Murgia (déjà interprète de Discours à la nation) serait, pour Ascanio Celestini, le début d’une trilogie des bars où l’on suivrait le quotidien de personnages broyés par le système. Né en 1972, l’auteur italien est devenu une figure majeure du théâtre-récit, dans la lignée de Dario Fo, associant l’art du conteur à un sens aigu de la dramaturgie. Engagé, il donne la voix aux oubliés, aux déshérités, aux prolétaires de tous les pays. Comme ses autres textes, Laïka accuse les injustices, les désastres du système capitalistes, les catastrophes humanitaires. Texte et rythme sont indissociables et font naître du théâtre. A cet exercice, David Murgia est prodigieux. Le débit de sa parole est vertigineux, torrentiel, la cadence infernale, comme celle de ces manutentionnaires de l’entrepôt voisin. Du théâtre né de la parole. Fantastique.
Laïka * * *
Théâtre du Rond-Point, 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 10 novembre.