Aux Ateliers Berthier, Alain Françon met en scène avec brio la pièce de Marivaux
D’un côté, une jeune veuve se désolant de la disparition de son époux, de l’autre un chevalier qui s’est vu refuser la main de sa bien aimée Angélique… Marivaux, après sa Surprise de l’amour, parue en 1722, met en place, dans cette Seconde Surprise de l’amour, en 1727, des personnages que l’amour a abandonnés, deux jeunes esseulés résignés à se réfugier dans la consolation de la lecture et de la conversation. Les livres seront le socle de leur amitié naissante. Comme toujours, chez Marivaux, se forme instantanément dans l’ombre un couple en parallèle, celui des serviteurs, dont le sort dépend de celui de leur maitre et maitresse. Ces différents jeux de couple, dans lesquels interfèrent les personnages d’un pédant et d’un comte voisin, tissent la trame de la comédie autour de son axe central : la découverte des sentiments, et la surprise de cet événement, seconde en l’occurrence pour la Marquise et son chevalier. Alain Françon s’empare avec une grâce totale de la pièce, dans une mise en scène à la beauté classique teintée de mélancolie. Une toile peinte d’arbres aux couleurs d’automne soulignées par les lumières de Joël Hourbeigt, un espace central bordé de deux façades de maison aux perrons en vis-à-vis : la scénographie de Jacques Gabel est un cadre idéal pour les rencontres et différents chassés-croisés.
De l’amitié à l’amour
Se lier d’amitié pour ne pas prononcer le mot amour, pour ne pas céder au sentiment amoureux, Alain Françon saisit tous ces atermoiements, s’attache à l’évolution des mouvements du cœur et suit l’état des personnages dans une attention particulière aux mots, aux non-dits et à l’élégance de la langue du subtil auteur. Délicatesse et sensibilité, finesse et élégance, fluidité se retrouvent dans la direction d’acteurs et la distribution. Georgia Scalliet est une exquise Marquise, tristesse et douceur mêlées, hésitante, inquiète, impatiente. Pierre-François Garel est le Chevalier empêché en proie aux incertitudes de l’inclination. En miroir, le couple de serviteurs : l’avisé Lubin, entremetteur malin (Thomas Blanchard) et la malicieuse Lisette, fine mouche, interprétée par Suzanne de Baecque, ton assuré, diction parfaite, une révélation. Et puis, pour compléter le tableau, le pédant composé par Rodolphe Congé et Alexandre Ruby, en Comte soupirant de la Marquise. L’harmonie est totale.
La Seconde Surprise de l’amour * * *
Odéon-Théâtre de l’Europe, Berthier, 1 rue André Suarès, Paris 17e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 4 décembre. Tournée : 9-19 décembre à Villeurbanne, 20-21 janvier 2022, Toulon, 1er-5 février, Caen, 10-19 février, Versailles, 8-12 mars, Dijon, 16-18 mars, Colmar, 24 mars-1er avril, Strasbourg, 6-9 avril, Aix-en-Provence, 13-16 avril, Saint-Etienne, 26-27, Beauvais.
(Photo Jean-Louis Fernandez)